Ô Canada: Paroles

Le Forum Le Castel > Chansons de Jean Leloup >Ô Canada > Paroles Connexion

Versions disponibles:
Version Live (Christiane Charrette, Radio-Canada) (DeafJunkie88)

Ô CANADA (LIVE)

Oooh Rock'N' Roll!
Bon alors, en commençant, je trouve que Marc Cassivi a eu des couilles.
Mais il aurait dû en dire plus long. 
Tant qu'à rincer, on aurait dû rincer tout le monde.
Mais non! Il ne m'a pas si mal cité.
Bon, donc reprenons. 

Ce que je disais de la musique d'ici, c'est l'âge de la ouate.
Je ne pensais pas ça seulement des jeunes,
Mais des artistes d'avant aussi. 
Surtout les vieux.
Je ne savais pas qu'il y avait une polémique
Depuis une histoire de Robert Charlebois,
Comme quoi " Les jeunes bands sont brouillons " 
Etcetera.

Moi je trouve qu'ils sont pas assez brouillons, au contraire.
Pas assez petés, pas assez grinçants, pas assez en tabarnak. 
J'ai pas compris... 
J'ai pas compris que personne vende ses tounes à la pub,
Ni qu'on fasse des micros brasseries.
Mais il n'y a pas que lui.
Alors puisqu'on me demande de... trop depuis longtemps
Qui je suis, ce que je pense, et comment et pourquoi et etcetera, etc.

Je vais vous dire qui je suis.
J'aurais dû, bien avant.

Oooh!!

Moi, mon enfance, ç'a été l'Afrique noire et l'Afrique blanche.
De trois à quinze ans.
Vous savez l'Afrique où il y a eu les colonies, 
Les guerres ou encore la pauvreté, la torture?
Je n'ai jamais voulu en parler pour ne pas être lourd...
Mais bon, là, là...

Dans la rue, en '70, en… à Alger,
Il y avait des mendiants avec des jambes coupées, 
Et pas de chaises roulantes.
Il y avait des gens qui chassaient les mouches autour de leur tête,
Constamment.
Même quand il n'y en avait pas.
C'était ceux qui avaient été torturés, à l'électricité.
Il y avait aussi au lycée des ex militaires Français
Qui tapaient leurs enfants 
Pour en faire des vrais hommes.
Ils leur donnaient des claques à la journée longue.
Surtout devant tout le monde.

Un ami à moi restait enfermé, par son père.
Professeur, ex colonel, ou je sais pas, 
Pendant toutes les récréations,
Parce qu'il était puni, et qu'il se faisait raser la tête,
Quand il avait des mauvaises notes.
C'était l'âge militaire.

À l'école, un surveillant me frappait souvent,
Quand j'avais onze ans.
Lui avait à peu près vingt-deux. 
Toutes les fois qu'il me voyait, je voulais le tuer. 
Avant que j'me décide,
(Parce que ça s'en venait, ça s'en venait vraiment!)
Un type l'a défiguré à coups de bottes, dans l'école,
Parce qu'il tapait sa sœur aussi.
On a dû raconter à la police tout
Pour que ce que le pion nous faisait,
Pour sauver le gars d'la prison.

Il y avait des enfants Algériens traumatisés par la guerre,
Qui détestaient les blancs et qui nous pensaient tous riches.
J'avais un poing américain, un couteau à cran d'arrêt.
Je ne m'en suis pas servi.
Je ne m'en suis pas servi, mais j'étais prêt.

Pendant ce temps, 
Il y avait le Vietnam.
On parlait de ça et on écoutait les bands de rock'N'roll
Et on trouvait que les musiciens étaient des héros.
Les chanteurs contestaient, et envoyaient chier la bonne conscience,
La bourgeoisie, le mensonge, l'hypocrisie. 
C'étaient des purs et durs.
Pas des guimauves bios.
On les admirait.

Celle que j'ai aimée, la première, Patricia, était une Angolaise.
Chez eux, ça parlait de la guerre et de la torture.
Un jour, ils sont repartis en Angola, toute la famille.
Ils ont écrit quelques temps.
La guerre faisait rage.
Ils envoyaient des lettres tristes qui parlaient des bombes.
En plus.
Et un jour, on a plus eu de nouvelles.
On a plus eu de nouvelles...

On lisait " Christiane F. ",
Et ça voulait dire quelque chose.
Et Rimbaud, et Camus.
On a vu le film " Z ", qui parlait de la torture.
On avait peur.
Les jeunes gars Algériens trip… qui trippaient sur les hippies,
Et qui contestaient étaient dans la merde,
Et se faisaient raser la tête par les flics,
Et un jour, ils en ont pris.
Ils en ont pris quelques uns avec du hasch à la frontière,
Et ils les ont fusillés parce que c'était le communisme.

Un mois, il y a eu une grève à mon lycée
Contre les politiciens, la torture.
J'avais quatorze ans.
On a tout cassé!
Et j'ai joué de la guitare! (Yeah!)
Et c'était cool!
On en avait marre des vieux militaires qui dirigeaient le lycée!
Et on a rigolé.
On a tout cassé.

Le dirais-je?
J'ai eu d'la peine pour le gars en prison,
Qui avait essayé d'me violer,
Et qui s'est fait prendre un an plus tard.
Il a dû se part…
Parce qu'il avait essayer de violer une fille.
Il a dû se faire violer, massacrer en tôle.
Et je lui voulais de la vengeance, mais pas ça...

Les enfants de la guerre étaient traumatisés.
Je vous le promets.
J'avais peur.
J'ai été tabassé à coups de pieds.
Je commençais à jouer d'la guitare 
Parce que j'avais moins peur.
Je comprenais l'idée de faire comme les bluesman qui jouaient.
Je compris ce que voulait dire " Avoir le blues ".
Et quand on me lançait des pierres, de la Cité, à côté,
Je me mettais devant ma guitare,
Et pas le contraire! 
Et j'avais toujours envie de pleurer, 
Mais je ne le savais pas
Et je ne parlais plus,
Et on prenait des barbituriques,
Et on essayait de fumer n'importe quoi.

Dans les familles intégristes,
Il y avait les filles, qui se faisaient... 
Qui faisaient, se faisaient battre par leur frère
Quand elles ne mettaient pas leur voile.

Et à treize ans, un jour,
Je suis tombé amoureux d'une bergère kabyle, dans la montagne.
Je l'ai regardée de loin.
Je lui ai jamais parlée.
Et je rêvais d'elle, et de l'enlever
Avant qu'elle se fasse marier à un vieux.
Etcetera! Etcetera! 

Pour moi, la musique, ce n'est pas un exercice de style.
Il y avait un chien que les gamins avaient pendu par la taille,
Avec un fil de fer, pour le faire crever.
Enfin... Etcetera. Etcetera. 

Non, je trouvais que ça souffrait à mort, 
Moi aussi, ici aussi, 
Quand je suis revenu.
Ça souffrait!
Pas seulement du réchauffement de la planète,
Ni de l'absence d'un pays.
Voyez-vous?
Mais aussi de la torture mentale, au Québec, on en souffre.
De la bonne conscience.
Le mensonge chronique.
Enfin, je ne comprenais pas pourquoi
Ça ne sortait jamais dans les chansons.
Et j'ai eu envie que ça groove,
Pas de me retrouver dans une réunion de cancan de village.
J'ai eu envie de chanter :
" C'est le printemps, et c'est l'été
Les filles sont déshabillées ".
Pas de chanter :
" Les graines de tournesols, yé yé "
Ni d'un pays.
Moi, les drapeaux, j'en avais soupé.

Parce qu'au Togo.
Parce qu'au Togo, un jour,
On nous avait fait mettre en rang, 
Sous le drapeau togolais,
Et les militaires ont fouetté des gars au sang, 
Des opposants au régime.
Alors, moi, les drapeaux, vous savez... 
Moi, les drapeaux...

Et j'ai composé mes chansons, en espérant que les gens...
Que je vive de ça,
De pas dire ce qu'il fallait, 
Mais dire ce qu'il ne fallait pas.
Vraiment, j'étais si mal poli? Désolé...

Et quand j'ai... il y a eu la guerre du Golfe,
J'ai eu peur vraiment que ça se propage.
J'aime le Québec, les rivières, et les lacs et les fleuves.
Je ne veux pas que le Québec devienne comme un pays qui ont...
Les pays qui ont eu l'horreur remplie de jambes coupées,
Et de gars, et de filles traumatisés où j'ai grandi. 
Alors, j'ai fait cette chanson, 1990,
Où j'essayais de combattre la guerre par le ridicule.
Et ça a tourné partout.
Je faisais pas ça pour le fric. Non.

Dès que j'ai eu de quoi vivre,
Je me suis sauvé.
Je suis parti en voyage, avec une copine,
Et sur la plage, me foutre des bourgeois,
Et fêter " Vive Bob Marley, et Hendrix, et Lou Reed, 
Et bonjour à Dutronc, et fuck les cons! "

Alors Cassivi, il a eu au moins les couilles,
D'essayer de dire quelque chose,
Au lieu de faire son paternaliste, comme les autres,
Qui nous bassinent avec l'émergence, 
Les talents depuis cent ans, gnan gnan!
Comme si on chantait pour s'émerger, se " riche diversifier "! 

On dit que je suis dans ma tour d'ivoire,
Qu'après moi, le déluge,
Que je juge de haut.
Ce ne sera qu'une phrase niaise de plus ou de moins
Parmi les sentences insignifiantes qu'on m'assène depuis que je chante
Comme quoi les générations, et tattati, et tattata...
J'ai brûlé ma guitare parce que je m'emmerdais en Jean Leloup.
On faisait de moi un dignitaire, un diplomate.
Non merci.
Je ne suis pas un cœur de rocker,
Ni... Ni un golfeur.
Je ne carbure pas au gaz de fleur de Lys,
Ni aux rimes ciselées à l'artiste chanteur.
Je ne suis pas coulé dans le Rock.

C'est la ouate, ici? Ouais d'accord.
Enfin...
Forçons-nous! 
Bonne conscience, insignifiance, 
Sont pire que l'effet de serre.
Enfin, j'va finir...

" Ô Canada,
Porter la croix,
Protégera nos foyers et nos droits ",
Et " Québécois! Nous sommes Québécois! "
Mais ensuite, quoi?
Ô Canada,
J'attends encore
Le fleuron glorieux, 
Le lys victorieux.
J'attends encore
Le fleuron glorieux, 
Le lys victorieux,
Les puppetcetera, les puppetcetera, les puppetcetera...
PORTER LA CROIX! ...

Enfin, c'est à peu près ça que j'voulais dire.

Dernière mise à jour le 12 avril 2008. Conception: SD. Photo par Christophe Chat-Verre.
Cette page est conforme aux recommandations HTML 4.01 et CSS du W3C.
Contact: sdcastel@gmail.com. © Copyright 1999-2014 Le Castel.