Ô Canada: Paroles

Le Forum Le Castel > Chansons de Jean Leloup >Ô Canada > Paroles Connexion

Versions disponibles:
Version Sur Roiponpon.com (DeafJunkie88)

Ô CANADA

" Ô Canada,
Porter la croix,
Protégera nos foyers et nos droits ",
Et " Québécois! Nous sommes Québécois! "
Mais ensuite, quoi?
Ô Canada,
J'attends encore
Le fleuron glorieux, 
Le lys victorieux,
Les puppetcetera, les puppetcetera.
J'attends encore les puppetcetera, les puppetcetera.

Puisqu'on me demande trop depuis longtemps
Qui je suis, ce que je pense, et comment et pourquoi.
Je vais vous le dire.
Je n'ai pas voulu en parler pour ne pas être lourd...
Mais bon, là.

Moi, mon enfance, ç'a été l'Afrique noire et l'Afrique blanche.
De trois à quinze ans.
Vous savez l'Afrique, les colonies, 
Les guerres, la pauvreté, la torture?
Dans la rue, en '70, à Alger,
Il y avait des mendiants avec des jambes coupées, 
Pas de chaises roulantes.
Il y avait des gens qui chassaient les mouches 
Tout autour de leur tête,
Constamment.
Même quand il n'y en avait pas.
C'était ceux qui avaient été torturés, à l'électricité.
Il y avait aussi au lycée des ex militaires Français
Qui tapaient leurs enfants 
Pour en faire des hommes,
Surtout devant tout le monde.

Un ami à moi restait enfermé, par son père.
Professeur, ex colonel, je sais pas, 
Pendant toutes les récréations,
Il se faisait raser la tête,
Quand il avait des mauvaises notes.

À l'école, un surveillant me frappait souvent.
J'avais onze ans.
Toutes les fois qu'il me voyait, il me tapait. 
J'avais un poing américain, un couteau à cran d'arrêt.
Je ne m'en suis pas servi, mais j'étais prêt.

Pendant ce temps, le Vietnam.
On écoutait les bands de rock'N'roll
Et on trouvait que les musiciens étaient des héros.
Les chanteurs contestaient, et envoyaient chier la bonne conscience,
La bourgeoisie, le mensonge, l'hypocrisie. 
On les admirait.

Celle que j'ai aimée, la première, Patricia, était Angolaise.
À la maison, ils parlaient de la guerre, de la torture.
Un jour, ils sont repartis en Angola.
Ils envoyaient des lettres tristes qui parlaient des bombes.
Et un jour, on a plus eu de nouvelles.
En Angola, en Angola.

On lisait " Christiane F. ",
Et, pour nous, ça voulait dire quelque chose.
Et Rimbaud, et Camus (Camus).
On a vu le film " Z ", qui parlait de la torture.
On avait peur.
Les jeunes gars Algériens,
Qui trippaient sur les hippies
Étaient dans la merde,
Se faisaient raser la tête par les flics
Et un jour, ils en ont pris quelques uns avec du hasch à la frontière,
Et ils les ont fusillés.

Un mois, il y a eu une grève à mon lycée.
On a tout cassé.
Et j'ai joué de la guitare
Contre les politiciens, la torture,
Et les vieux militaires qui dirigeaient.
On a rigolé.

Le dirais-je?
Et le dirais-je?
Et le dirais-je?

Les enfants de la guerre étaient traumatisés.
Je vous le promets.
J'avais peur.
J'ai été tabassé à coups de pieds.
Je commençais à jouer d'la guitare 
Parce que j'avais moins peur.
Et quand on me lançait des pierres, de la Cité d'à côté,
Je me mettais devant ma guitare,
Et pas le contraire! 
J'avais toujours envie de pleurer, 
Mais je ne me rappelais même plus.
Je ne parlais plus.
Et on prenait des barbituriques,
Et n'importe quoi.
(Et on essayait de fumer tout ce qui...)


À treize ans, 
Je suis tombé amoureux d'une bergère kabyle de douze ans.
Enfin... amoureux...
Je l'ai vu au loin, 
Et je la regardais, dans la montagne.
Et nos yeux se croisèrent.
Je rêvais de l'enlever,
Avant qu'elle se fasse vendre à un vieux!

Il y avait un chien que les gamins avaient pendu par la taille,
Avec un fil de fer, pour le faire crever.
Pas de chance... Il avait survécu...
On le voyait, des fois, passer avec son fil,
Entré dans la taille, enfoncé d'un centimètre.
On voulait lui ôter.
On lui courrait après,
Mais il se sauvait.
Il avait peur...

Vendre mes chansons à la pub?
C'est vendre mon cœur.
Il n'y aura pas de fric qui pourra me faire accepter
Que la boisson gazeuse, ou que la bière
Me la rote légère!
Alors, on me dit au fric?
Que j'aime le " money "...
Ha, ha! Ha, ha!

En revenant ici,
En entendant la musique,
Ça me faisait chier,
Que j'ai pas c'que je ressentais
Et je trouvais ça plein de bonne conscience
Tellement propret!
Pourtant, ça souffre ici aussi!
Pas seulement du réchauffement de la planète,
Ni de l'absence d'un " pays "!
Voyez-vous?
Mais aussi de la torture mentale,
De la bonne conscience,
Le mensonge chronique.
Comme partout.
J'ai eu envie que ça groove,
Pas de me retrouver dans une réunion de cancan.
J'ai eu envie de chanter :
" C'est le printemps, et c'est l'été
Et les filles sont déshabillées ".
Pas de chanter :
" Les graines de tournesols, yé yé "
D'un pays.
Moi, les drapeaux, j'en avais soupé.






Ah oui, en parlant de drapeau.
Au Togo, un jour,
On nous avait fait mettre en rang, 
Sous le drapeau,
Et les militaires ont fouetté des gars au sang,
Les opposants au régime.
Alors, moi, les drapeaux...

J'ai commencé mes chansons 
En espérant que je vivrais de ça.
Ne pas dire ce qu'il faut,
Mais dire ce qu'il ne faut pas.
On m'accusait de prétention 
Quand je ne remerciais pas.
Vraiment, j'étais si mal poli? Désolé...
Vraiment, vraiment...

Quand il y a eu la guerre du Golfe,
J'ai eu peur que ça se propage.
J'aime le Québec, les rivières, et les lacs et les fleuves.
Ha! Scusez! 
J'aime le Québec, les rivières, et les lacs et Le Fleuve.
Et je ne veux pas que le Québec devienne comme ces pays
Qui ont eu l'horreur remplie de jambes coupées,
Et de gars, et de filles traumatisés où j'ai grandi. 
Alors, j'ai fait cette chanson, 1990,
Où j'essayais de combattre par le ridicule.

Dès que j'ai eu de quoi vivre,
Je me suis sauvé.
Je suis parti en voyage, avec une copine,
Et sur la plage, me foutre des bourges,
Et fêter " Vive Bob Dylan, et Hendrix, et Lou Reed, 
Et bonjour à Dutronc, et fuck les cons! "

Je ne carbure pas au gaz de fleur de Lys,
Ni aux rimes ciselées de l'artisan chanteur.
Je ne suis pas coulé dans le Rock.
J'ai un faible pour les guitaristes qui tranchent,
Les poètes qui scènent.
Et peu me chaud qu'on me dépasse,
Ça fait plaisir.
Beau boulot.
Bonne conscience, insignifiance, 
Pire que l'effet de serre.
Plus vicieux.

Jeune ou vieux,
Il y a encore des femmes lapidées,
Il y a encore des politiciens qui essaient de leur plaire,
Tout en plaisant à l'électorat,
Qui les lapide.
Que de sourires mielleux...
Je voudrais qu'on fasse attention,
Qu'on sache qu'on a de la chance,
Et qu'on ne se vautre pas dedans.

" Ô Canada,
Porter la croix,
Protégera nos foyers et nos droits ",
Et " Québécois! Nous sommes Québécois! "
Mais ensuite, quoi?
Ô Canada,
J'attends encore
Le fleuron glorieux, 
Le lys victorieux,
Les puppetcetera, les puppetcetera.
J'attends encore les puppetcetera, les puppetcetera.

Dernière mise à jour le 12 avril 2008. Conception: SD. Photo par Christophe Chat-Verre.
Cette page est conforme aux recommandations HTML 4.01 et CSS du W3C.
Contact: sdcastel@gmail.com. © Copyright 1999-2014 Le Castel.