Pag / Leloup / Plume: La règle de trois
par Félix Légaré
dans Voir, 13 septembre 1990
Entrevue

Ils sont trois que tout devrait rapprocher... S'il n'y avait leur farouche indépendance. Une entrevue-collage avec PAGLIARO, PLUME et LELOUP...

Le 20 septembre, au Centre sportif de l'Université de Montréal, Pagliaro, Plume et Leloup vont grimper sur la même scène pour une première fois. L'idée est excellente, ces trois irréductibles, ces trois têtes dures du showbiz québécois ayant plus d'une chose en commun...

Le hic c'est qu'on a tellement parlé d'eux, ces derniers temps, qu'on se demandait ce qu'on pourrait bien raconter de plus. On avait l'idée de les appeler, de demander à chacun ce qu'il pense de l'autre, faire des rapprochements. Pas évident: Leloup passe son temps au local de répétition où il n'y a pas de téléphone, Plume se balade en région et Pagliaro, que j'ai finalement eu au bout du fil, travaille à la pré-production de son prochain album.

Alors on a fait du recyclage.

Bruit et fumée dans le bar. On aperçoit dans le fond trois types assis à une table. Le mononc devant une couple de bières, le rocker-étalon qui bouffe des raviolis et l'autre, le petit fendant, qui n'en finit plus de caler des espressos.

Plume, Pag et Leloup à la même table? Non. Ils n'y étaient pas en même temps, ni au même endroit, à dire vrai. On a découpé des vieux articles. On a recollé leurs propos. On les a fait se répondre, en interview, comme ils se répondent en chanson. Ils se ressemblent, alors on leur a concocté un blind date à leur insu.

Arrêt sur l'image, la leur, souvent hérissée de petites pointes:

Pag ouvre le bal: «Le père du rock'n roll? J'ai entendu parler du père du meuble mais jamais du père du rock'n'roll.» (Août 1987)

Les regards se tournent vers Plume, dont l'image avait fini par étouffer le gars, jusqu'à le pousser à la retraite anticipée. Après son show d'À diable, il s'était rasé la barbe et les cheveux pour passer inaperçu: «À un moment donné, ici, j'pouvais plus sortir... J'me faisais crier des bêtises dans rue. Ceux qui m'haïssaient me le disaient raide, pis ceux qui m'aimaient me le disaient trop. Les rockers qui me demandaient de chanter Bobépine, c'est si je les avais pas envoyés chier qu'ils auraient été déçus.» (Mars 1987)

Leloup, que la critique n'a pas épargné, enchaîne: «Des jugements sur ma personnalité, j'en ai subi beaucoup. À un moment c'était délirant, on disait tout sur moi. Après le premier album, on m'a dit: "Sois un génie." Je suis pas une brute de l'originalité.» (Juin 90)

On boit un coup, on jase de l'industrie et du public; on goûte du bout de la langue au succès dont tant de musiciens cherchent la recette.

Pagliaro: «Même si avoir du succès est intéressant, mon premier objectif n'est pas d'être monsieur Hit. Je pense que quelque chose qui est le fun et qui swigne, c'est toujours cool. Les modes... ça passe.» (Août 87)

Leloup opine du chef: «T'installer devant le monde et devenir célèbre, c'est d'un ennui total.» (Septembre 1989)

Plume, lui, grogne un peu contre l'industrie qu'il essaie de tenir à bonne distance: «Si j'ai un rôle à jouer dans cette magnifique famille du showbusiness québécois, c'est de rester carrément comme je suis. Je passe pas par la télévision, je vais directement dans la taverne du consommateur moyen... Si tout le monde prend l'autoroute du succès, moi je vais prendre la voie de service et je vais avoir la paix.» (Juillet 1990)

Pas de compromis, quoi? Exact! poursuit Leloup: «Faut jamais faire de compromis parce que tu restes avec, toute ta vie. Un compromis c'est grave parce que t'en fais un, pis un autre, pis un autre, pis encore un autre. À la fin, tu deviens un immense compromis.» (Septembre 89)

Pag soupire. Plume et Leloup contemplent le fond des cendriers. Pag dit: « En fin de compte, le rock y en a plus tellement en tant que style. Y a des bands qui jouent avec un mur de Marshall, des culottes en Spandex et des cheveux longs. Ils appellent ça du rock, moi je dirais que c'est de la variété déguisée en rock. Du clonage. En fait, quel que soit le terme, c'est l'état d'esprit qui compte. Pour moi le rock c'est un gars qui fonce, qui transmet sa vérité d'une manière pas orthodoxe, pas planifiée. C'est le risque.» (Septembre 90)

Oui, c'est le risque. Qu'ils prennent tous les trois, et qu'ils prendront, ensemble pour vrai, le 20 septembre.

Un show dur comme le rock: trois hommes et pas de coussin.

Photo L. Oligny: Pagliaro.
Photo J.-F. Leblanc / Stock: Plume.
Photo J.-F. Leblanc / Stock: Jean Leloup.

Merci Alex!

MCC, LTC
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Dernière mise à jour le 6 mars 2005.
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