Entrevue
par TV5
dans TV5, 1999
Entrevue

Tantôt loufoque, tantôt génial, Jean Leloup déstabilise. Son discours à la fois prosaïque et échevelé nous plonge dans un univers de fantaisie. Mais n’allez pas croire que Monsieur Leloup déblatère pour autant. Ses propos convergent bien souvent vers les choses essentielles de la vie. Conversation autour d’une table.

Jean Leloup a de l’imagination. Et il le sait. Ses chansons regorgent d’images et sa musique d’inspiration. À l’écouter parler, on croirait qu’il est tombé dedans quand il était petit. " Je me souviens encore du jour où j’ai découvert que j’avais de l’imagination. J’avais trois ans. On avait passé la soirée à regarder des diapos de voyage en famille. Comme il se faisait tard, mes parents ont dit à mon frère et à moi d’aller nous coucher. Une fois dans ma chambre, j’ai fermé les yeux très fort pour revoir les images. Quand j’ai soulevé ma couverture, j’ai vu des diapos dans mon lit ! Et c’est là que mon frère m’a dit que j’avais de l’imagination. Pour moi, c’était comme une révélation ! "

Et puis Leloup a eu quatre ans. À cette époque, la famille habitait au Togo et petit Jean apprenait déjà à lire. " À sept ans, je lisais des romans. Mes parents voulaient voir le monde et on passait l’été à voyager en auto, au Liban, en Afrique, partout. Je me suis mis à rêver, un peu par solitude, parce que je ne connaissais personne. C’est essentiel de rêver. Les gens que j’ai aimés et qui m’ont le plus donné le goût de vivre, ce sont ceux qui ont su mettre leur imagination sur la réalité et la rendre plus colorée. "

C’est d’ailleurs en rêvant que Jean Leclerc a trouvé son nom de scène. " Jean Leclerc, c’était trop commun. On m’a dit : endors-toi, tu vas y rêver ! Quand j’étais petit, on me comparait toujours à un loup. Alors j’ai rêvé que j’étais Jean Leloup. "

Mais plusieurs lui ont souvent reproché son imagination débridée et ses réparties à la volée. Car Leloup est un fin renard. Il vous concocte des réponses muries à froid qu’il vous balance au moment où vous croyiez l’avoir attrapé au collet. En conférence de presse ou en personne, Leloup n’hésite pas à renvoyer sous le tapis les interventions jugées banales.

Là, tu me vois dans les meilleures années de ma vie. Je m’amuse tout le temps et je n’ai jamais été aussi heureux. Mais j’ai longtemps été angoissé. Je n’arrivais pas à rester longtemps dans une soirée avec les gens. À un moment, l’angoisse montait et je me mettais à dire n’importe quoi parce que j’étais mal à l’aise. Je me suis forcé pendant un certain temps à être sérieux mais ça me rendait triste parce que j’avais perdu mon imagination et je n’avais plus de plaisir. Puis, il y a deux ans, j’ai retrouvé mon sens de l’humour et là je me laisse vraiment être ce que je suis. Je m’amuse tout le temps avec les images et la réalité.

" À l’aube de la quarantaine, Jean Leloup laisse derrière lui des années d’angoisse et de déboires. Sa démarche purgative entamée depuis peu lui a redonné des ailes et fait prendre quelques kilos. Il s’éclate sur scène aux côtés de son excellent band et laisse aller son imagination aux rythmes des chansons. " Sur scène, ce sont les énergies qui comptent. La musique, c’est comme une prière, elle rassemble les gens et leur procure des vibrations. Mon côté cabotin tient lieu de maître de cérémonie. Mais dans ma musique, il y a des moments d’émotion qui sont très vrais, très simples. " De grands moments de lucidité donc, avec Jean Leloup. Poète urbain d’entre tous les Montréalais, il nous livre encore une prose où l’amitié n’est question que de temps. Quand l’essentiel est invisible pour les yeux mais perceptible aux oreilles…

La basse et le drum sont dans le rythme, la force d’attraction invente le pendule, le pendule le rythme, le rythme le temps, qui permet à l’homme d’avoir un ami, s’il sait groover son temps sur le temps d’autrui.

Jean Leloup

Copié de Ainsi va la vie


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Dernière mise à jour le 1 novembre 2001.
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