Jean Leloup : La vie après la mort
par Stéphane Martel
dans Socan.ca, novembre 2009
Entrevue

Après avoir brûlé sa guitare, s’être enlevé la vie et s’être glissé sournoisement dans la peau de Jean Leclerc, Massoud Al-Rachid et Pablo Ruiz, voilà que le coloré et inimitable Jean Leloup renaît de ses cendres avec un sixième compact studio foisonnant. Carburant à l’urgence et à l’énergie brute, Mille excuses Milady reprend là où l’homme nous avait laissé il y a sept ans… grooves puissants en bonus. Comme s’il fallait tuer Leloup pour qu’il revienne plus affamé que jamais. « Tu sais, on me demande toujours pourquoi Jean Leloup est de retour. Lorsqu’on est connu, on peut se permettre plein de choses, comme mourir et ressusciter à notre guise ! À l’époque, je trouvais ça cool de mourir parce que je ne chanterais plus jamais mes vieilles chansons. C’était génial de tuer un personnage qui devait s’éteindre de toute façon. Je ne pensais pas pouvoir passer ma vie avec ce gars qui me collait à la peau ! C’était impossible ! » lance-t-il, visiblement en pleine forme.

Disponible depuis le mois d’avril, Mille excuses Milady s’éloigne sensiblement des sentiers acoustiques de La vallée des réputations et des trouvailles imprévisibles et tordues de Mexico (opus signé Jean Leclerc). Renfermant des compositions résolument coulées dans le rock, menées par des guitares bien aiguisées, la galette regorge de fortes mélodies qui nous collent rapidement au cerveau. Un son qui évoque immédiatement une période dorée de l’homme, celle de L’amour est sans pitié. « Au cours des deux dernières années, j’ai énormément joué de la guitare. Je me suis rendu compte que je n’étais pas un musicien complet, mais simplement un bon guitariste ; un gars qui aime composer des chansons pas compliquées. Je trouve un riff, je compose une toune simple. Ma job s’arrête là ! Ce sont les gens autour de moi qui m’ont incité à faire un album ‘maison’. Je suis donc revenu à mes sources tout en travaillant sur l’énergie des compositions. Avant, je pensais qu’il fallait miser sur de grosses productions avec une tonne de musiciens et aller loin dans ma quête musicale. J’ai compris que ce n’était vraiment pas pour moi. Je n’aime pas ce qui est trop travaillé. Ça m’ennuie profondément, » laisse-t-il tomber, animé.

Tout au long des 17 plages de Mille excuses Milady, Leloup se livre sans retenue et continue de mettre en scène une pléiade de personnages pittoresques errant dans une multitude d’univers singuliers. Composant l’ensemble de ses pièces à la guitare acoustique (« Je joue très durement ! » prévient-il), l’homme croit qu’écrire une chanson demeure un excellent moyen de se renseigner sur son état d’âme. « D’abord, j’observe ma guitare. C’est la première étape. Souvent, plusieurs jours peuvent s’écouler avant que je me décide à l’empoigner. Puis, tout d’un coup, ça me tente d’en jouer et au bout d’une demi-heure, il me vient une phrase qui a un lien direct avec quelque chose qui me préoccupe depuis quelques jours. Ça se fait de manière inconsciente. C’est alors que la guitare fait monter les souvenirs en moi. C’est fascinant ! Écrire une chanson, c’est comme s’envoyer une lettre à soi-même. Ça réveille quelque chose d’intense en dedans de soi. Et puis, tu vois le résultat, ça me ressemble au coton comme disque ! » s’exclame-t-il.

Ayant tourné un film, largement improvisé, en Asie il y a un an et demi (Karaoké Dreams), Leloup s’affaire au montage et s’apprête à repartir à l’aventure, cette fois-ci en Afrique. Il désire tourner un autre film mettant en vedette des extra-terrestres (!) et des combats de kung fu gore. Autre souhait : jouer de la musique avec des peuples du Mali et capter l’événement sur pellicule. Bref, ce ne sont pas les projets qui manquent pour l’inclassable Leloup. « J’ai décidé de vivre une vie de nomade et de toucher à plein de choses plutôt que d’entretenir uniquement une carrière de chanteur et devenir une vedette à l’échelle nationale. Ça ne m’intéressait pas. Je préfère continuer d’écrire et toujours aller de l’avant avec de nouveaux projets tout en pensant aux spectacles de temps à temps. Je ne serais pas capable de faire les choses autrement. J’essaie à chaque fois de trouver une façon de rejoindre les gens. Je ne fais pas de trip d’artiste qui se prend la tête. Mon but n’est pas d’être hermétique, mais qu’on embarque dans ce que je fais. »

Maintenant signé avec l’équipe de Grosse Boîte (Cœur de pirate, Tricot Machine), sous-branche de Dare to Care, l’artiste de 47 ans se serait-il enfin assagi ou serait-il toujours atteint de je-m’en-foutisme aigu ? « Je fais à ma tête ! Vais-je réussir à passer à travers la prochaine année ou n’aurai-je rien à manger ? Je ne le sais pas, mais je suis passionné ! Tout ce que je gagne, je l’investis dans mon prochain projet. Plus ça va, plus c’est pété et je m’en plains pas ! Tu sais, aujourd’hui, je suis parfaitement à l’aise dans la peau de Leloup ! » Preuve qu’il faut parfois quitter une peau usée pour y retourner, revigoré.

Friand de musiques aventureuses et détenteur d'un baccalauréat en communications, Stéphane Martel est journaliste pigiste pour l'hebdo Voir depuis quatre ans et travaille sur divers projets littéraires. Attiré par la radio et la télé, il a longtemps animé sur les ondes de CIBL, CISM et CHOQ-FM en plus d'écrire pour diverses publications dont Le Devoir, Métro, Adorable, Nightlife, Longueur d'ondes et Urbania. Il collabore à Paroles & Musique depuis le printemps 2006.

En ligne depuis l’automne 2009

Photo : Jose Enrique Monte.
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Dernière mise à jour le 21 février 2010.
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