Jean Leloup fait ce qui lui plaît
par Julie Rhéaume
dans Showbizz.net, 8 mai 2009
Entrevue

Jean Leloup a lancé l'album «Mille excuses Milady» à la fin avril. L'artiste fait ainsi un retour par la grande porte sous le nom de Leloup, un pseudonyme qu'il avait abandonné il y a quelques années. Showbizz.net a rencontré ce personnage talentueux, unique et particulier.

Lorsqu'on rencontre Jean Leloup, il faut oublier les façons de faire traditionnelles. On n'aura pas droit à une séance de questions-réponses typique avec un artiste gentil et propret. Le personnage peut aussi bien être ultra sympathique pour ensuite emprunter un ton proche de la confrontation.

L'artiste brasse la cage. Il pourrait même être intimidant à interviewer pour certains journalistes. Une chose est certaine, il n'est jamais ennuyant.

Le 6 mai, on apprenait que «Mille excuses Milady» était numéro 1 au palmarès canadien. Tout au long de l'entrevue, Jean Leloup dira également que son opus vient de remporter le record de l'album le plus piraté au pays. Quelques 500 000 exemplaires auraient ainsi été téléchargés, affirme-t-il.

Loin de s'attrister du phénomène, il s'en réjouit. Ça veut dire que les gens s'intéressent à lui et écoutent sa musique. «C'est comme si je vendais plus de disques que ceux qui ont l'air d'en vendre plus», lance-t-il en entrevue dans un café du quartier Limoilou, à Québec.

Le retour du grand méchant Leloup

Jean Leloup n'avait pas trop pensé à son retour sous ce nom d'artiste, dit-il. À un certain moment, Jean Leclerc en avait eu marre de Leloup et avait décidé de brûler sa guitare. Il avait symboliquement mis à mort le personnage en 2003. Il en avait soupé de la routine.

La bête fait officiellement son retour avec «Mille excuses Milady», un disque lancé sur étiquette Grosse Boîte. En 2007, elle s'était toutefois pointée le bout du nez sur l'album «Le Zoo», un hommage au regretté cinéaste Jean-Claude Lauzon. Leloup y interprétait la chanson «Depuis le temps».

«À partir du moment où j'ai arrêté, je me suis mis à composer beaucoup de chansons. Pour moi, ce n'était plus une job. En fait, ça n'a jamais été une job. Je fais ça si ça me tente. Des fois, je fais des tounes. Des fois, je n'en fais pas», explique Leloup.

L'artiste écrit tout simplement. Que ce soit des chansons, des scénarios de films ou des livres, dit-il. Rappelons qu'il a publié le roman «Noir destin que le mien» sous le nom de plume de Massoud Al-Rachid en 2005.

«Finalement, on dirait que tout doit devenir une carrière. T'écris des histoires et bien t'écris des histoires! Ça peut sortir en chansons ou tout ça. C'est ça que j'ai compris et à un moment donné, je me suis mis à composer beaucoup de chansons car ça me tentait. Quand on a fait la pochette, on a dit quel nom va-t-on mettre? J'ai dit mettons Jean Leloup! Tout le monde m'appelle Jean Leloup. Oui, mais t'avais dit que tu ne t'appelais pas Jean Leloup! Il y a un paquet de gens qui avaient dit qui se mariaient pour toujours... Tu sais! On s'en crisse», dit-il

«En fait, j'avais oublié. Le trip, c'était de brûler la guitare. C'était le fun. On a eu du fun! Là, il y a d'autre fun à avoir. On a appelé ça Jean Leloup car les gens sont habitués de m'appeler Jean Leloup. Si les gens auraient été habitués de m'appeler Jean Leclerc, ils m'auraient appelé Jean Leclerc. Tout le monde continuait de m'appeler Jean Leloup pareil. J'ai laissé faire. Ce n'est pas important tout ça. Ce qui est important, c'est le thrill d'avoir brûlé la guitare. Il y a eu de l'action! Admet qu'il y a eu de l'action», répond-il à la journaliste!

De façon générale, l'artiste trouve le milieu de la musique ennuyant. Il aime brasser la cage. Il n'aime également pas mener une «carrière» régie par les conventions et la routine. Pour lui, être une vedette est aussi monotone.

Leloup n'en a que faire de jouer ses vieux tubes, de dire aux gens qu'il est content de les voir et de parler de sa vie privée «à cœur de journée». La nouveauté le branche.

Il vient d'ailleurs de tourner un film en Asie. On y raconte l'histoire d'un travesti qui travaille dans un bordel et qui se fait crever les yeux par une collègue prostituée, explique-t-il.

L'album

Sur l'album et dans le livret qui l'accompagne, Leloup dénonce notamment les bourgeois et la bêtise humaine.

Lors de ses voyages, il a constaté le fossé entre les riches et les pauvres. «Au début, (je voyageais) pour le fun puis j'ai commencé à être tanné de voir que les pauvres étaient pauvres à ce point-là et que les riches l'étaient comme ça à ce point-là. Ça a commencé à devenir un thème en quelque sorte, de me rendre compte que les sociétés riches étaient en train de devenir un peu stupides, un peu insignifiantes et un peu indifférentes. C'est devenu un peu fatiguant. Je me suis dit qu'il ne fallait pas qu'on paie pour cette maladie. Ça s'adresse à moi (autant qu'à tout le monde)», explique l'artiste.

Sur «Mille excuses Milady», y a-t-il une chanson qui frappe le plus Jean Leloup? «Une qui me tape fort, c'est "Les moments parfaits". Je l'ai faite après avoir vécu un moment parfait. Je me rendu compte qu'il n'était plus là, le moment parfait (...). Les moments parfaits peuvent revenir mais c'est touchy. Ils ne sont jamais pareils mais ils peuvent revenir. Ils sont un peu comme des chiens errants. Ils se méfient des humains car ces derniers ne sont pas fiables», raconte Leloup.

Lorsque les humains laissent tomber les masques, la vérité sort. Il pourra alors y avoir des moments parfaits entre eux, poursuit l'auteur-compositeur.

«Ce sont comme des chiens qui ont peur, ces moments parfaits. Ils peuvent coucher là. Ils vont se sentir bien. Sauf qu'ils repartent généralement le lendemain car les humains ne sont pas fiables. Le lendemain, ces derniers vont reprendre leurs façades», dit-il.

Dans le livret qui accompagne l'album, on dit que «Lucie», qui traite d'une jeune fille qui devient tueuse à gages, avait pris naissance après que Leloup ait vu une enfant en compagnie de deux parents ivres dont un père à l'air vicieux.

En entrevue, l'artiste dit plutôt avoir écrit le texte avant d'avoir vu ces trois êtres pathétiques. Il aurait tiré son inspiration des films asiatiques, très forts sur la vengeance et la violence.

Plus tard lors de notre entretien, Leloup parle du titre de son album et de la chanson qui porte le même nom. «La toune "Mille excuses Milady", c'est un soldat qui envoie des photos de morts à la guerre (à) la Milady, une femme riche. Ses enfants ont le même âge que les soldats qui sont morts. Ils envoient des photos de morts à la guerre pour que les jeunes riches sachent que les jeunes pauvres meurent à la guerre», explique Leloup.

«Si on ne comprend pas l'humour de ça, je pense qu'il faudrait s'acheter un cerveau», dit-il au sujet du ton sarcastique de la pièce.

On est coincés au Québec? «Non, les pays riches commencent à être un peu idiots à force d'être bébés gâtés», réplique-t-il.

S'ensuit alors une discussion sur certains phénomènes culturels comme les émissions de téléréalité. La conversation s'anime un peu. «Vas-tu marquer (que tu) trouves ça niaiseux ou vas-tu marquer "Jean Leloup trouve ça niaiseux?"», lance-t-il lorsqu'on lui répond que nous trouvons également ce genre de divertissement abrutissant.

«Personne n'a les couilles de s'exprimer (...). Mettez vos culottes! Je ne suis pas obligé de les avoir pour tout le monde», dit-il.

Le personnage ne veut pas être le seul à prendre la parole publiquement et nous met au défi d'écrire que nous trouvons la téléréalité stupide. «Mets-en un peu plus sur ton dos. Ça va m'en enlever», ajoute Leloup!

En vieillissant, on devient chicken. Lorsqu'on devient poule mouillée, on devient vieux, croit-il!

La scène

«(Les gens me demandent si je vais faire) une tournée. Je ne peux pas faire une tournée tout de suite. Un show, ce n'est pas comme un disque. Le récital classique, tu fais des tounes l'une après l'autre avec un groupe. J'ai davantage envie de monter des performances», dit celui qui a touché à l'art contemporain.

Leloup aurait envie de mélanger les disciplines et les médiums: arts visuels, projections vidéo, musique, art contemporain et performance. Il ne veut pas du spectacle de musique traditionnel. Il n'a pas le goût de tout simplement «débouler les chansons»: «Moi, ça me tente pas, là!»

Il voyage partout dans le monde et tourne des images en prévision de ces nouveaux spectacles.

Il avoue qu'il pourrait toutefois changer d'avis et de formule: «On verra! Peut-être qu'à la dernière minute, je vais trouver que c'est trop pesant et je ferai un show à la guitare où je peux me promener et où il n'y a aucune préparation. Des fois, j'aime beaucoup l'instantané», explique-t-il.

Il dit préférer les salles plus petites car le son est meilleur. Les musiciens ont davantage le contrôle. Dans les festivals, par exemple, le son n'est jamais très bien ajusté. Le contact avec la foule est également plus difficile. Le public a de la difficulté à voir les artistes, dénonce Leloup.

Pour le moment, on ne possède aucuns détails concrets quant à de possibles concerts ou une tournée de Leloup.

Québec, été 2008

En parlant de ses futurs spectacles, Leloup revient sur ce fameux show donné à Québec, au Colisée, l'été dernier. Ce concert lui avait valu certaines critiques de la part des journalistes.

«Je ne fais jamais rien comme c'est supposé d'être fait. À un moment donné, je donne un show l'autre fois, à Québec. Le trip, c'était de s'engueuler avec le public. Ça faisait partie du trip d'aller dire au monde ce que je pensais. Eux autres avaient le droit de m'engueuler aussi... (J'étais toutefois) habillé en chef indien et avec des danseurs contemporains... Quelque chose de très kitsch mais en même temps de très art contemporain. Je me fais du fun. À un moment donné, ça donne des décors pétés, des trucs pas possibles! Je n'aime pas faire la même affaire», raconte Leloup.

De façon générale, sans faire particulièrement référence à ce concert, on fait remarquer au chanteur que certains vont piger certains concepts tandis que d'autres ne les comprendront pas. Il acquiesce: «Si tu veux que tout le monde pige, tu vas finir par chanter toujours des romances. Il faut que tu piges à un moment donné. Les gens qui ne pigent pas ne comprennent pas qu'ils ne pigent pas.»

À lire le livret qui accompagne «Mille excuses Milady», on pourrait penser que Jean Leloup fait une sorte de mea culpa. Cela est-il attribuable au concert de Québec?

Leloup répond par la négative. Il dit avoir eu bien du fun à ce spectacle. Il n'a pas d'excuse à faire. Il raconte qu'un fan lui avait dit qu'il avait alors réussi à séparer les jeunes des vieux.

«C'est plus les vieux qui se sont sentis visés. Les kids ont eu du fun», conclut-il.

Photo: Jean Leloup.
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Dernière mise à jour le 23 mai 2009.
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