La fille à canons
par Kathleen Lavoie
dans Le Soleil, 11 juin 2005
Article

Avec "Le Trashy Saloon", Anik Jean marche dans les traces de Jean Leloup.

Elle reprend ces jours-ci le tube de Leloup Je suis parti. Même esprit débridé, même fougue, même salutaire irrévérence. Pas étonnant qu'Anik Jean, auteure-compositrice nouvellement venue, ait trouvé son " soulmate de musique" dans ce grand freluquet de Leclerc.

Anik Jean, il est vrai, n'est pas du genre à attendre que les portes s'ouvrent devant elle. Portée par une ambition rarement observée, l'artiste de 27 ans, élevée en partie chez sa mère dans la région montréalaise, en partie chez son père en Gaspésie, n'a cessé de foncer depuis ce jour où, encore enfant, elle a décidé qu'elle serait artiste.

Mais la vie étant ce qu'elle est, ce n'est pas sans certains détours que la jeune femme, dont le père était musicien blues à ses heures et pilote de brousse le reste du temps, est parvenue à ses fins. Après avoir terminé son secondaire auprès de ce dernier à Bonaventure, où elle rencontra un auteur-compositeur-interprète prometteur du nom de Kevin Parent, elle obtient elle aussi ses ailes. Avec son brevet de pilote en poche, elle travaillera un moment à l'aéroport de Dorval. Mais dans sa tête, Anik Jean avait déjà mis le cap ailleurs...

À l'été de 1998, l'ami Kevin Parent l'invite à assister au festival Woodstock en Beauce à Saint-Éphrem.

"On a rencontré Jean (Leloup) dans un lobby d'hôtel. Je lui avais dit qu'il avait donné un bon show. Il m'a demandé si je pouvais lui donner un lift jusqu'à Montréal. On a commencé à se tenir ensemble. Déjà, à ce moment-là, je me voyais plus artiste que straight. Je jouais de la guitare, je chantais, mais je n'avais pas commencé à écrire encore. Il m'a convaincue de tout lâcher."

Et tout lâcher, Anik Jean ne l'a pas fait à moitié. Au grand dam de son père. Un an plus tard, accrochée à son rêve, la "Gaspésienne fake " traversait la frontière américaine. Cap sur la Californie.

"Quand je suis allée là-bas, je trouvais le monde tellement cool et créatif ! Je me disais : "Hey, ça existe, ça ?" Tout est possible là-bas, que ce soit la musique ou le cinéma. J'ai rencontré beaucoup de monde..."

Univers

Pendant quatre ans, à Los Angeles, l'univers d'Anik Jean allait s'articuler autour de figures prépondérantes du rock contemporain telles que Tom Morello (Rage Against the Machine), Jack Endino (Nirvana), Tim Palmer (U2) et Mark Needham (Fleetwood Mac, Cake), avec lesquelles elle finirait par travailler.

"J'ai signé un contrat avec World's End. Ils avaient entendu mon demo par un guitariste qui avait joué avec moi. On a enregistré aux Studios Paramount. C'était cool, mais ce n'était pas moi. C'était overproduced. J'ai décidé de ne pas lancer cet album en anglais. Je le trouvais trop influencé par mes musiciens."

C'est donc sans attache, mais une maquette dans les poches, qu'Anik Jean est revenue passer ses vacances au Québec à l'été 2004. Séduit par le rock mélancolique de sa protégée, Leloup conseille à cette dernière de rentrer définitivement au bercail et de travailler avec lui à l'élaboration d'un disque.

"Il m'a dit : "J'aime ce que tu fais. On devrait faire un album ensemble. Reste." Je l'ai encore écouté ! C'est vrai qu'on s'entend super bien. On a vraiment tripé en studio. Jean, c'est mon idole de jeunesse. On est devenus tout de suite amis. Il a tellement un grand coeur ! Quand il croit en quelque chose, il donne tout. Et puis, le timing était bon."

C'est dans le studio de David Sturton, de DNA Productions, que le clan Jean-Leloup (!) a posé ses guitares.

"Au début, on voulait faire un album en anglais. Puis, un moment donné, je me suis mise à travailler une toune à Jean (Je suis parti) pendant qu'il n'était pas là. Quand il m'a entendue, il m'a dit qu'il a toujours voulu qu'une fille chante ses tounes... C'est là qu'on s'est mis à écrire ensemble. La première pièce qu'on a faite en français, c'était Docteur Torture. (...) C'est moi qui ai fait la musique, mais c'est lui qui a fait le texte."

Sur l'album à paraître le 30 août sur étiquette Tacca, Le Trashy Saloon, il y aura huit chansons en français et quatre en anglais. Un deuxième album, entièrement en anglais, est par ailleurs déjà écrit.

"Je n'ai jamais vraiment tripé sur les artistes québécois à part Jean. C'est vraiment à cause de lui que j'ai pu penser faire ça. C'est de la poésie intense, son affaire. Si on prend la peine de lire les textes, c'est plein de sens."

Mais à savoir comment Anik Jean arriverait à transposer ce type de poésie à la sienne, à trouver son propre ton, son propre rythme, son propre phrasé en français, c'était une autre histoire.

"J'ai finalement trouvé beaucoup d'inspiration ici. Quand j'écrivais en anglais, ça allait plus dans la direction de Jeff Buckley, de Coldplay. C'est un peu plus dark. Mais après Docteur Torture, je me suis enfin trouvée. Ç'a débloqué."

Jeune et fonceur

Visuellement, c'est un autre héritier de la chanson québécoise qui a été chargé de mettre en images la première production d'Anik Jean, sa reprise de Je suis parti.

"En français, j'adore aussi Félix Leclerc. Ça tombe bien, c'est Francis Leclerc qui a réalisé mon premier clip ! Je ne choisis jamais le dernier venu !" a noté au SOLEIL la joviale artiste. On n'aurait jamais osé en douter...

Preuve que cette propension se vérifie dans tous les aspects de sa carrière, Anik Jean s'est entourée de musiciens aguerris pour l'enregistrement de son album en Stéphane Gaudreault, Alec McElcheran, Dan Georgesco et l'incontournable Rick Haworth. Idem dans son choix de compagnie de disques.

"Quand je suis revenue ici, je ne pensais vraiment pas que je ferais un album. Il fallait que je trouve un contrat de disques. J'en avais parlé à Kevin. Il m'avait dit : "Tu devrais rencontrer Mathieu chez Donald K. Donald. Il est jeune, il fonce." Je savais en m'assoyant devant lui que ce serait lui. J'avais rencontré Audiogram et La Tribu... Ç'a été des longues négociations, mais je trouvais que Tacca avait la meilleure équipe au Québec. Sans compter que Donald croit en moi..."

Donald Tarlton ? Décidément, un autre poids lourd.

"Jean et moi, on est un duo explosif. Il fallait que les affaires passent par là ! Il y avait une urgence à mon projet. Mathieu le sait. Tous les A & R de l'étiquette le savent aussi. Ce n'est pas évident de travailler avec Jean et moi !"

Et pourtant ! On paierait cher pour voir le duo sur scène... Des rumeurs amènent Anik Jean sur l'une ou l'autre des scènes des FrancoFolies et du Festival d'été. Au moment de mettre sous presse, l'information n'avait toutefois pu être confirmée. Pas plus que la présence, dans le groupe de la jeune femme, du grand Leclerc. Fabulons, un instant... Jean Leloup au FEQ comme guitariste d'Anik Jean ? Est-ce possible ?

"C'est un mystère ! ! ! Mais disons que s'il avait à réapparaître, le Festival d'été pourrait être un bon endroit ! ! !" nous titille Anik Jean.

Puis, plus sérieusement. "J'ai bien hâte de remonter sur scène parce que je n'ai jamais joué au Québec. J'ai joué à Los Angeles devant des grosses crowd, mais pas devant la famille et les amis. Ça va être plus plaisant que stressant. J'aime le Québec et cet été, ça va être cooooooool."

Photo André Pichette: Sur l'album à paraître le 30 août sur étiquette Tacca, "Le Trashy Saloon", il y aura huit chansons en français et quatre en anglais. Un deuxième album, entièrement en anglais, est par ailleurs déjà écrit.
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Dernière mise à jour le 25 août 2005.
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