Leloup sort de sa tanière
par Isabelle Ducas
dans Le Droit, 6 décembre 1996
Entrevue

Qu'a fait Jean Leloup pendant les cinq années où il s'est tenu à l'écart des feux de la rampe, tapi dans sa tanière?

De la musique, de la musique et de la musique, assure-t-il.

«J'ai travaillé avec plein de musiciens, j'ai essayé toutes sortes de styles, j'ai fait des expériences», dit M. Leloup, chanteur pop et iconoclaste légendaire.

Il en a profité pour écrire une soixantaine de chansons, issues de ses expériences, dont 14 se retrouvent sur Le Dôme, l'album attendu depuis si longtemps que les fans s'arrachent depuis un mois.

Ce soir, sur la scène de la salle Odyssée de Gatineau, Jean Leloup amène ses nouvelles chansons et ses anciennes, qu'on n'a pas encore oubliées après cinq ans.

«À quoi peut-on s'attendre de ce spectacle?» demande la journaliste.

«Deux guitares, une basse, un drum et une fille qui chante», répond le méchant loup.

Allons, allons, il y aura sûrement beaucoup plus que ça, monsieur le musicien.

Il y aura assurément du reggae, du rap, du trip-hop, du rock industriel, du folk, du country... Tous les paysages musicaux que Leloup a visités pendant ses cinq années d'expérimentation. Ça part dans toutes les directions, le musicien s'éclate, ne s'astreint à aucun style.

«Un monde uniforme est inintéressant; la musique qui est uniforme, c'est la même chose, explique-t-il. Il existe tellement de rythmes, tellement de cultures différentes. C'est plate qu'il n'y ait pas plus d'ouverture, qu'on n'entende pas plus de musique d'Afrique ou d'Asie.»

On l'interroge sur les sujets qui l'inspirent, sur ce qu'il pense de la célébrité retrouvée, sur sa vision du monde qui semble avoir changé pour devenir plus sombre...

Mais John The Wolf n'aime pas parler de ça.

Au téléphone, après des silences et des «eeuuuuh» qui s'étirent, il s'impatiente. «Moi, je fais de la musique, je fais des chansons.»

Point. Le reste ne vaut pas la peine qu'on s'y attarde.

Lui qui était connu pour ses extravagances, ses costumes flamboyants et sa propension au party reconnaît qu'à 35 ans, maintenant qu'il a «vieilli un peu, mais pas tant que ça», il fait des chansons plus «roots».

«J'ai eu le temps de rejoindre certains feelings que j'arrivais pas à traduire avant, raconte-t-il. En expérimentant avec la musique, j'ai pu aller chercher d'autres feelings en moi.»

Fourrure et poulet aux hormones

Est-il moins rebelle? Leloup ne répond pas vraiment à cette question, mais on apprend par contre qu'il n'aime pas le poulet aux hormones... Après la sortie de son disque, Jean Leloup a fait une tournée d'entrevues dans les médias montréalais vêtu d'un manteau de fourrure de femme, en plein mois d'octobre... Non, on ne peut pas dire que le temps des extravagances soit vraiment terminé.

Le chanteur affirme qu'il est inspiré surtout par le beat, que c'est la musique qu'il aime d'abord et avant tout. Mais dans les paroles de ses chansons, on le découvre tout de même. Il affirme mélanger allègrement réalité et fiction, mais on peut entrevoir à quel point sa période à l'écart de la scène publique a pu être difficile parfois.

On apprend qu'il existe un petit loup, qui, dans sa chambre où il fait froid, où la fenêtre donne sur un mur, rêve d'une femme qui puisse le relever quand il tombe.

«Ça, c'est un moment plate dans ma vie», dit simplement le chanteur en parlant de la chanson La Chambre.

La fuite ou le retour?

«Devrais-je partir ou bien rester? Devrais-je enfin tout laisser tomber?» se demande d'ailleurs Leloup dans cette chanson. Selon la rumeur, il se serait bel et bien posé cette question au cours des dernières années, tourmenté, angoissé.

Il se répond même sur l'album «take the money and go, Johnny go», se retrouvant seul dans un appartement vide.

La tourmente, on la devine également dans d'autres chansons autobiographiques du Dôme: Leloup raconte la tentative de suicide d'une amie (Sang d'encre), parle d'héroïne et de sida (Sara), raconte comme «les nuits sont dures à Montréal quand on est sur la drop sociale», affirme qu'il «ne veut pas aller à l'hôpital où les fous se sentent mal» (Vampire), décrit un monde «à feu et à sang» où il vaut mieux ne pas faire de bébés (Faire des enfants), un monde où même «Dieu le père et Bouddha et Krishna et Allah» se saoulent et fument un pétard pour oublier «l'existence de ces familles de banlieue qui passent leur jeunesse à gagner un salaire à peine suffisant pour payer cette maison horrible et cette pelouse affreuse, et après 20 ans de labeur fou les enfants les quittent et plus jamais ne les aiment» (Le monde est à pleurer).

Mais M. The Wolf n'a pas son pareil pour raconter de petites histoires complètement sautées, sorties d'une imagination en pleine ébullition: Pigeon, une fable animale qui se veut un parallèle avec la société; Le castel impossible, un manoir à l'envers où Leloup dort les pieds en l'air; et Le Dôme, une marche dans la jungle à la recherche d'un dôme en verre où se retrouvent les fous qui cherchent le paradis...

Quant à Lost my baby, chanson pop accrocheuse qui parle d'une fille d'Ottawa partie refaire sa vie à Hawkesbury, Jean Leloup affirme qu'elle ne raconte rien de vrai.

Eh bien ce soir, M. Leloup, ne vous étonnez pas si beaucoup de filles d'Ottawa se mettent à «tomber» pour vous...

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Dernière mise à jour le 1 novembre 2001.
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