Heureux qui, comme Leloup... n'aime que voyager
par Maud Cucchi
dans Le Droit, 11 août 2012
Entrevue

Il est temps pour Jean Leloup d'«aller voir ailleurs s'il y est».

À force de crier au loup, il y avait de quoi perdre espoir. Il a fallu faire le dos rond, montrer patte blanche, être à l'affût. Sur la route de Sainte-Perpétue, où il se produisait en concert, Jean Leloup est sorti de sa tanière. LeDroit a tendu l'oreille. Récit d'une conversation pas tout à fait comme les autres.

Il est loin, le pays enchanté, dirait Jean Leloup. Ici, sous le ciel québécois, le verdict tombe sans appel: «les carottes sont cuites». Rien ne va plus quand «se baigner devient ardu», que les pancartes «baignade interdite» se font plus grosses que les lacs. Qu'elles se muent en cerbères gardiens des eaux, il n'y aurait qu'un plouf. Le dandy-hippie rêve de terres musicales encore vierges, de rivières où clapoter en paix.

Son «autant aller voir ailleurs si j'y suis» pourrait bien résonner comme une annonce de départ imminent, cette épée de Damoclès qui menace depuis déjà un certain temps la sortie d'un prochain album. «Mouais, bientôt», laisse-t-il choir d'une désarmante nonchalance. Affaire à suivre...

Avant de le voir repartir vers d'autres cieux, puisque tel est son souhait, renouer avec les vibrations de l'école musicale togolaise de son enfance, avant de le perdre dans un village africain où la musique défie encore les lois de la mondialisation, il est encore temps de voir Jean Leloup rugir ses plus belles compositions sur la scène du festival de la Curd, samedi soir prochain. L'ultime date de sa tournée estivale La nuit des confettis.

Et si cette prestation égale celle de son concert gratuit à la Place des arts de Montréal, le 26 juillet dernier, Leloup sera sans contradiction le Phénix des festivals cet été.

Sur la route de Sainte-Perpétue où se donnait son concert le soir-même, LeDroit l'a joint par téléphone. Les langues se délient, la conversation file à toute berzingue à travers les champs: sa carrière, ses envies, ses horreurs, ses petits bonheurs.

Entre le cochon et la curd - les thèmes des derniers festivals où il se produit avant la rentrée - il cite aussi bien Joachim du Bellay, que des groupes de rock thaïlandais des années 1960. Et si on jouait à pile ou face? Pile dans le mille, face cachée.

Pile dans le mille: une

tournée réussie

L'idée n'avait rien de tarabiscoté, rien de nostalgique non plus. Une évidence, presque: «Tiens, je vais faire un été pour la musique, s'est-il dit. Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas fait. Ça n'a rien d'évident, chaque endroit possède un système de son différent; petites salles, gros festivals, il faut s'adapter. Ça fait trente ans que je joue de la musique, au fil desquels j'ai travaillé par période de trois ans: un trip gros rock, un autre jazz, un trip disco funky...j'ai beaucoup changé de thèmes au cours de ma carrière, ça donne un show très varié. Il condense les meilleurs tableaux».

Il ne révélera précisément quel répertoire il présentera, samedi prochain, mais les «7 à 77 ans» devraient y trouver leur compte.

Tirer la substantifique moelle d'une matière musicale aussi profuse, l'entreprise s'est avérée plus compliquée qu'elle n'y paraît. À son concert de Montréal, point de I lost my baby, dont il avait pourtant laisser miroiter la prestation sur scène dans la presse. Pas de remplissage non plus; ses incontournables s'enchaînent sans perte de vitesse. Les habillages instrumentaux attendront une prochaine tournée. Sur scène, Leloup, impétueux, rafle au passage tous les honneurs festifs: «vous avez vu les confettis à Montréal ?», s'enquiert-il. Et exulte en grand enfant, galvanisé par une foule d'admirateurs soulagée de le voir renaître de toute sa flamboyance.

Face cachée: à la recherche

du Graal

Une certaine aura nimberait la création artistique? L'artiste s'excuserait presque en avouant qu'il ne le fait pas exprès, que ça vient sans crier gare. Histoire de timing et d'observation, de sens affutés et d'inspiration. Sa façon, peut-être, de ne jamais perdre pied avec le réel et les autres.

«J'ai commencé avec le dessin, puis à écrire du théâtre, des romans, à faire de la peinture. La chanson reste la manière la plus simple utilisée depuis longtemps pour raconter des histoires. C'est accessible et très universel». Il renchérit, se prêtant au jeu de la promotion du spectacle sans se trahir : «au théâtre, impossible de se lever pour aller pisser, boire un verre de vin, ou draguer; alors qu'un concert de chansons en plein air, c'est la fête!», s'amuse-t-il.

Celui qui, un temps, bouda les médias, se serait-il fait une raison en acceptant certaines règles du star-système? Finies les frasques qui ternirent sa réputation. On le découvre en artiste pro, exigeant et précis, même s'il ne cache pas qu'il a toujours maille à partir avec la célébrité. « Un combat illégal où je gagne tout le temps », assure-t-il.

L'argent, non plus, ne semble pas être un problème. L'air détaché, il répond sans détour: « je n'ai pas de besoins financiers exagérés, à partir du moment où j'en ai assez pour partir en voyage. Heureux qui comme Ulysse... ».

Du Bellay l'aurait ainsi accompagné: « Et puis est retourné, plein d'usage et raison... ». Toujours à bâtons rompus.

POUR Y ALLER

Quand? Le 18 août, à 21h30

Où? Sous le grand chapiteau du Festival de la curd, St-Albert

Renseignements? 1-800-465-1553 ou www.festivaldelacurd.ca

Photo : Courtoisie.
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Dernière mise à jour le 18 août 2012.
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