Jean Leloup au Métropolis - Tenir le groove, indéfiniment
par Sylvain Cormier
dans Le Devoir, 15 janvier 2010
Critique

S'il n'y avait eu cet entracte après la première heure, bienvenu pour boire un coup, malvenu parce que ça constituait la seule rupture de plus de vingt secondes d'affilée jusque là, on aurait pu dire que le show Leloup était tout d'un bloc, sous l'empire d'un groove pour ainsi dire ininterrompu.

De fait, à ce que j'en lisais, ça se passait hier pas mal exactement comme aux avant-premières de novembre dans le même Métropolis. À savoir: sans niaiser. Les trois musiciens ont pris place, lancé sans s'énerver mais sans tarder une intro reggae-funk aguerrie et souple, Leloup a été escorté sur scène par un assistant et une assistante, très James Brown dans le genre, il a empoigné sa guitare, et ça y était. Ça démarrait pour ne plus s'arrêter. Qu'importe si c'était la première montréalaise officielle du spectacle Il est trop tard Johnny Guitar de Jean Leloup: ça n'avait d'officiel que l'invitation, c'était comme en novembre le soir des soirs, le seul soir de l'univers. L'intense, le très intense présent, qui ne connaissait ni passé ni futur. Le présent du groove.

Zéro cabotinage, pas l'ombre d'un caprice quant à la sono un brin brouillonne, aucun dérapage dans le discours, en vérité pas de discours du tout: Leloup était là pour la musique et rien que pour la musique. Emporté, passionné, possédé. Avec la foule au diapason de la transe: pas de farce, il y avait une sorte de «mosh pit» devant la scène, comme aux belles heures du grunge.

Leloup enchaînait les titres sans discontinuer, le reggae virant funk et le funk tirant sur le reggae, avec du rock dedans et de la guitare tout le temps. C'est qu'il était très occupé à la guitare, Johnny Guitar: jamais je ne l'avais vu aussi concentré sur ses solos, ses riffs, ses licks, avec un cerveau miniature au bout de chaque doigt, génie de l'instinct mêlé au savoir-faire. On reconnaissait à peine les chansons, tellement elles s'imbriquaient, nouvelles et moins nouvelles dans le même lit, Old Lady Wolf de Milles excuses Milady faisant corps avec Faire des enfants de l'album Le Dôme, et Pigeon du même album copulant avec la toute récente Morning. Ça et là un hymne national s'immisçait, Les Fourmis régnant comme il se doit sur le monde selon Leloup, mais avec la chanson-titre de Milles excuses Milady partageant le sommet.

Arrivés à Paradis perdu, l'incroyable histoire à rallonge de La Vallée des réputations, on avait l'impression d'y être déjà depuis le début, dans le paradis perdu. En toute logique, Les Moments parfaits suivait, «moments parfaits qui ne reviennent jamais... mais si, parfois...» Et Leloup de s'éclipser momentanément. Et moi de même, pour écrire ces lignes. La fin n'était même pas en vue. Ça continue samedi.

Collaborateur du Devoir.
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Dernière mise à jour le 21 février 2010.
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