Leloup... loin du mourant à l'agonie... Pimpant, le roi Ponpon
par Karine Tremblay
dans La Tribune, 22 décembre 2003
Critique

La mort lui va si bien, à M'sieur Leloup. Parce que comme préarrangements funéraires, personne n'aurait su mieux orchestrer l'affaire que l'inénarrable Jean-bientôt-Leclerc.

Je sais, la métaphore est facile. Mais l'image exsudait de partout hier soir, dans le plein Théâtre Granada.

C'est que, avant même le début du spectacle-événement, la scène vide auréolée d'un drapé rouge cardinal évoquait le riche velours dont on habille les cerceuils. Et puis voilà que se sont pointés un à un musiciens et choristes. Tout de noir fringués.

Musique arabisée et pétales de roses à tous vents lancées ont marqué le début du délire musical.

Coiffé d'un chapeau à mi-chemin entre le classique haut-de-forme et le droit bonnet du croque-mort de Lucky Luke, John the Wolf s'est pointé comme un calife dans son harem mixte. La foule l'a acceuilli en souverain adulé, goûtant chaque chanson, buvant chaque parole, même méprisante.

Fidèle à son théâtral personnage, le roi Ponpon a intercalé quelques irrévérencieux monologues dans ses pièces. Testament édictant ses quelques frustrations? Difficile à dire. Mais lorsqu'il clame: "Vous riez, vous riez, mais vous ne comprenez pas car vous ne savez pas ce que c'est d'être différent" en parlant de sa grosse Bertha, on a peine à ne pas imaginer qu'il parle en fait un peu beaucoup de lui.

Mais passons. Parce qu'il assure ensuite bien haut et fort qu'il est "Jean Leclerc, génie de la musique". Et qu'une salve d'applaudissements accueille le propos. On lui pardonne tout, même son ironique suffisance, tellement on aime le lascar.

Et le lascar, il n'a rien d'un mourant à l'agonie. Sa veillée funèbre est à des milles du funestre et du macabre. Sur la scène et dans la foule, circule une énergie rare. Je l'écris sans complaisance. Dans la fièvre heureuse qui gagne le public, se trouve quelque chose comme la fébrilité des adieux. Sans la mine endeuillée qui allonge normalement le visage des survivants.

Résultat: un show d'enfer et un beau voyage dans le riche répertoire de Leloup. Bertha, L'antiquaire, Barcelone, La vie est laide, Le monde est à pleurer: l'empereur du rock enfile les tubes de ces 15 dernières années. Des tubes enrichis de saveurs nouvelles apportées par le Big Band dont s'est entouré Leloup: une section de cuivres, un trio de choristes et les trois collaborateurs de La Vallée des réputations, le batteur Namori, le bassiste Charles Yapo et le claviériste David Mobio.

Des ratés? Nenni.

Dans les mémoires de tous, Jean Leloup laissera l'image d'un roi du rock au sens théâtral aigu, maître incontesté du spectacle jusqu'à son trépas artistique, prévu à la fin de décembre.

À ceux qui n'étaient pas au concert d'hier et qui n'ont pas en main leur entrée pour le spectacle d'adieu de ce soir, reste un espoir: les deux dernières représentations sherbrookoises de Leloup sont en effet immortalisées sur pellicule pour la création d'un DVD et d'un disque laser live qui agiront à titre d'oeuvres posthumes.

Photo: Imacom, Maxime Picard: Moins d'un mois avant son trépas artistique annoncé, Jean Leloup est loin du mourant à l'agonie. C'est un roi Ponpon au sommet de sa forme qui a fait danser hier les 1200 personnes présentes au Théâtre Granada de Sherbrooke. Et il remet ça ce soir. On le voit ici avec sa pétillante semeuse de pétales de roses. Comme quoi on ne prépare pas ses funérailles sans fleurs.

Photo: Imacom, Maxime Picard: Le théâtral Jean Leloup a démontré sa maîtrise inconstestée de l'art du spectacle, hier au Granada.
Cet article contient aussi des images: [1] [2]
page principale | articles: alphabétique | articles: chronologique | photos

Dernière mise à jour le 4 octobre 2004.
http://news.lecastel.org
Conception: SD