Ève Cournoyer se démarque de la pop préfabriquée à la mode
par Alexandre Vigneault
dans La Presse, 12 octobre 2002
Entrevue

«Les comparaisons avec Mara Tremblay, je commence à en avoir marre», lance Ève Cournoyer, entre deux tirades décrivant la longue gestation de son album Sabot-de-Vénus, paru il y a une dizaine de jours. Non, elle ne s'adresse pas à la country-rockeuse du Plateau quand elle chante «j'ai une dent contre toi». Mais elle n'a pas passé les deux dernières années à peaufiner son premier disque pour finalement passer pour une suiveuse. Le croire serait injuste d'ailleurs.

Ève Cournoyer ne suit pas un chemin trop fréquenté. Loin de la pop préfabriquée et des gentilles gamines chantantes apparues au cours des dernières semaines, elle impose un univers résolument urbain. Ses chansons savent être rock sans oublier de faire pop, sont truffées d'arrangements riches et inusités, et transportent des textes d'une finesse qui ne court par les rues. Bref, sa forte personnalité la démarque de tout ce qui attire l'attention ces temps-ci.

Habitée depuis longtemps par l'envie de faire de la musique, elle a fait beaucoup de détours avant d'en arriver à écrire ses propres chansons. «La musicienne en moi était pas mal refoulée, expose-t-elle. Je n'avais pas tellement confiance en moi.» Elle a donc commencé par travailler dans l'ombre des autres. Elle a prêté sa voix à Jean Leloup sur Les Fourmis, puis à Pierre Flynn et WD-40. Elle s'est aussi occupée de la coordination graphique dans une compagnie de disques et travaillé comme assistante-technicienne dans un studio.

Comme ça arrive souvent, le besoin d'écrire a été déclenché par une rupture. «C'est la seule chose qui me relaxait, dit-elle. J'ai dépoussiéré ma guitare, dont je n'avais pas joué depuis une couple d'années.» En fait, elle a coupé les liens avec la musique quand sa mère a vendu le piano sur lequel, petite fille, elle avait appris à jouer. Une trahison qui, paraît-il, a suscité une chicane épique.

Sabot-de-Vénus a été composé et réalisé sur une période de cinq ans. D'innombrables nuits blanches et autant de journées, pendant que sa fille allait à l'école. Elle a passé ses rages, ses déprimes, ses espoirs sur sa guitare acoustique. Elle a rêvé de fuir la ville (Dans le bois) et semble avoir travaillé fort pour recouvrer l'estime d'elle-même: «Sois celle que tu voudrais être aujourd'hui, sois-le pour toi, ton idée, ma chérie» (S'ramasser seule) et «J'fais face à quiconque se trouve sur mon chemin, je n'brûle pas tout ce soir j'en veux demain» (Aujourd'hui).

«J'en arrachais parfois, lance-t-elle sans détour, mais je m'accrochais à la musique.»

La grande qualité de son disque tient justement au fait qu'il arrive non pas au début, mais à la fin d'une métamorphose. Et comme c'est écrit dans le livret de l'album, «la fin c'est le début». Enfin sortie de son cocon, elle veut faire respirer ses chansons, les emmener sur scène et rocker. Elle a d'ailleurs deux guitaristes dans son groupe majoritairement féminin. «Grrrl rock»? Dans l'esprit, peut-être, mais pas dans le ton.

Elle aimerait bien que Dent contre toi ou Dans le bois, le prochain extrait, tourne à la radio. Comme elle est farouchement indépendante, il ne faut pas s'attendre à ce qu'elle aille faire des grimaces à La Fureur. Pas trop son genre d'émission si on en croit l'une de ses chansons: «Ainsi pourrait être le monde... si La Fureur c'tait pas les gars contre les filles sur d'la musique dole...» Pour ceux qui auraient envie de voir de quel bois elle se chauffe, elle sera au Coup de coeur francophone, le 14 novembre, au Club Soda avec deux autres groupes menés par des filles qui ne se laissent pas marcher sur les pieds: Dobacaracol et Vénus 3.

Photo: Robert Mailloux, La Presse. Ève Cournoyer a fait beaucoup de détours avant d'en arriver à écrire ses propres chansons.

(Article original)


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Dernière mise à jour le 23 janvier 2003.
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