Noir Désir et Leloup aux FrancoFolies
par Denis Lavoie
dans La Presse, 17 septembre 1989
Critique

Finies les premières FrancoFolies de Montréal. Et c'est sur un air de rock endiablé, avec le groupe français Noir Désir, que c'est ouvert la dernière soirée de spectacles au Spectrum, vendredi.

C'était surtout pour voir le narquois enfant terrible qu'est Jean Leloup, que les jeunes avaient envahis la place. Spectateurs enthousiastes pour une soirée de découverte, excitante au possible.

Si Noir Désir a donné une prestation remarquable, il était désavantagé par le fait qu'il ne jouait pas devant «son» public, mais devant des jeunes venus s'abreuver à la fougue sans vergogne d'un Leloup qui aime à jouer les anti-stars.

Le personnage fut, comme il se devait, à la hauteur de sa réputation. Authentiquement naturel, pas trop poli, mais pas polisson. Et pour bien se démarquer de la traditionnelle façon de faire, c'est avec ses deux chansons les mieux connues qu'il a ouvert son spectacle, Alger et Laura. Il a repris cette dernière au premier rappel. Normalement on réserve ces gros canons pour la fin, mais Leloup aime bien se distinguer, ne pas faire comme tout le monde.

Cette soirée rock, sans la présence des caméras, ce qui donnait un meilleur éclairage, nous a permis de découvrir ce que sera le rock des francophones qui aspirent à s'exprimer librement. On avait également enlevé les chaises du parterre où le public s'est retrouvé debout comme le veut la tradition pour les spectacles destinés aux jeunes amateurs de rock.

Le délinquant de la scène, crachant, fumant et buvant, bon enfant un peu bête mais pas méchant, s'est surtout amusé à «faire le fou» comme aimerait faire tout jeune auquel on en donnerait l'occasion. En cela, il s'indentifie bien à son public.

Leloup a aussi risqué des propos grivois, comme il s'en trouve dans certaines de ses chansons et a osé chanter en anglais, se réclamant du droit d'interpréter des chansons dans une autre langue, si ça lui plaît.

Sur ce dernier point il est représentatif des jeunes rockers, Noir Désir ayant lui aussi une bonne proportion de chansons en anglais dans son répertoire. Et comme ce groupe propulse un rock énergique, on ne s'arrête guère aux propos qu'importe la langue choisie. Ce qui compte, c'est la musique, c'est elle qui fait d'abord vibrer les jeunes.

Visiblement nerveux, ainsi qu'il l'a mentionné en ce soir de sa rentrée officielle sur une scène montréalaise d'envergure, Leloup s'est un peu moqué de la presse qui voit en lui «l'espoir» du nouveau rock québécois.

L'artiste s'est surtout montré dans toute sa fragilité, avec tout ce que cela comporte: propos à l'emporte-pièce, pépin technique, descente dans la foule massée devant la scène...

Somme toute, Leloup a été à la hauteur de sa réputation; Noir Désir m'a paru meilleur qu'à sa première prestation à Montréal l'an dernier, et le jeune public en a eu pour son argent. Cette conclusion des premières FrancoFolies de Montréal, laisse entrevoir des surprises en décembre 1990, lors de la deuxième édition de ce nouvel événement. On nous promet en effet plus de ce genre de découvertes qui ont été mieux reçues par le public que l'attitude nonchalante d'un Charlebois, ou l'exotisme des rythmes africains et antillais.
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Dernière mise à jour le 11 mars 2003.
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