Enfin des nouvelles de Jean Leloup!
par Isabelle Massé
dans La Presse, 16 décembre 2000
Article

C'est connu, Jean Leloup a l'imagination fertile. Très fertile. Trop pour Radio-Canada? Il y a près de deux ans, le réseau avait annoncé la diffusion de l'émission toute spéciale Quelques nouvelles de Jean Leloup.

Une fois le produit sous les yeux, on s'était toutefois ravisé. Trop osé? «Non, répond Évelyne Dubois, des communications de Radio-Canada. Nous avons simplement dit à Jean Leloup de revoir une scène plutôt violente de suicide, placée hors contexte dans son histoire.» Il aura tout de même fallu au chanteur plusieurs mois, voire un an, pour enfin livrer la marchandise. «Nous avons finalement revu tout le produit que nous n'estimions pas assez rythmé et original», explique le producteur Luc Châtelain, de Spectra.

Les fans du chanteur qui n'en peuvent plus d'attendre seront heureux d'apprendre que son oeuvre télévisuelle très peu conventionnelle est enfin «diffusable». On les espère insomniaques. Quelques nouvelles de Jean Leloup sera diffusée à 22h45, ce soir, à l'heure où les enfants font dodo.

Dans quelques heures donc, il sera possible de mesurer toute l'ampleur de la folie de Leloup à travers les péripéties de Herbert, un expert comptable de 45 ans qui vit avec un terrible secret. Est-ce une surprise? Ce que nous propose l'artiste se situe à des milles de ce qu'on a l'habitude de voir à la télévision.

On y va? Flashback dans la verte campagne du plat pays de Kunderwald, troisième puissance laitière au monde. Le jeune Herbert passe toutes ses journées avec son père, producteur... laitier! Ce dernier, qui rêve de voir fiston lui succéder à la tête de l'entreprise familiale, doit se résigner: en vieillissant, Herbert a développé des allergies «prodigieuses» au foin, au soleil, mais surtout, au lait.

Retour au temps présent. Adulte et toujours aussi mal peigné, Herbert vit à Kortz, capitale de Kunderwald, où il exerce dans la routine son métier de comptable. Autour de lui respirent des gens peu ordinaires qui mènent des vies ordinaires. Il y a son épouse avec qui il n'a pas fait l'amour depuis cinq ans, son patron qui n'a pas fait l'amour à sa femme depuis 12 ans, Josiette, une voisine qui en est rendue à sa 247e tentative de suicide, et la pulpeuse Tatiana, amoureuse du richissime armateur grec Vladimir Papadakis.

Pendant une heure, tout ce beau monde se croisera dans la rue de la Petite Taxe et à la Télé Kunderwald où chante, dans un décor du passé, un certain Jean Leloup accoutré comme un Joe Dassin démodé.

Irréel tout ça? On vous aura avertis! Avec de telles prémisses, il faut être un maître pour ne pas s'éparpiller... ou plutôt s'éparpiller avec tact. Question de tenir le téléspectateur au bout de sa chaise. Hors, si Jean Leloup a le don de pondre l'inconcevable, il est un peu moins doué pour rabouter toutes ses idées. Succulentes au début, ses quelques nouvelles perdent un peu en saveur en deuxième demi-heure. Peut-être aurait-il dû ne consacrer son imagination qu'aux problèmes d'Herbert et se foutre de ceux des voisins.

Cette émission prometteuse qui débute avec le meuhhhh des vaches se termine malheureusement en queue de poisson. Plus les minutes passent, plus les invraisemblances de l'histoire et cette façon toute particulière avec laquelle on l'a filmée tracassent. Heureusement qu'il y a les très belles compositions du chanteur (La Vie est laide, 1990, Laura, Les Fourmis, Je joue de la guitare...), revues et ajustées à la sauce Kunderwald, pour nous faire oublier les quelques défauts de ces Quelques nouvelles...

À regarder tout de même, pour voir de quoi est capable Leloup lorsqu'il n'écrit pas des chansons.

Jean Leloup, accoutré comme un Joe Dassin démodé, nous sert ses plus grands succès à la mode des années 70.

(Article original)


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Dernière mise à jour le 18 décembre 2000.
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