Festival d'été de Québec: Un foyer des musiques du monde
par Alain Brunet
dans La Presse, 11 juillet 2001
Brève

Pendant que le Festival de jazz montréalais bouclait la boucle le week-end dernier, celui de Québec atteignait sa vitesse de croisière. Nous venons d'y débarquer, nous vous en faisons état à partir d'aujourd'hui. Pourquoi mettre le cap sur le cap Diamant, au juste? Parce qu'on y présente un éventail complet de musiques nationales, régionales, transculturelles, métisses, ancestrales, actuelles ou futuristes, toujours planétaires.

Jusqu'à dimanche, seule la pop culture anglo-américaine sera moins représentée au Festival d'été, le plus généraliste des grands happenings de musique au Québec. Qui s'en plaindra?

Jean Beauchesne y relate une «ouverture en lion» sur les plaines d'Abraham avec Manu Chao qui, jeudi dernier, a mis la table d'un hommage émouvant rendu à feu Dédé Fortin. «La vibe était énorme au sein des 45000 personnes présentes», de s'exclamer le directeur artistique de cet événement considérable.

Notre homme se souvient en outre d'un magnifique duo entre l'ensemble corse I Muvrini et Claire Pelletier, de la découverte d'un accordéoniste roumain (Ionica Minune) dont le vaisseau croise quelque part entre le jazz et la musique tzigane. Grand amateur de folk, Jean Beauchesne retient aussi la performance du fameux guitariste John Renbourn, membre de la mythique formation Pentangle. D'autres souches folk ou blues y ont aussi été relevées; les guitaristes Bob Brozman et John Hammond (qui rendait hommage à Tom Waits) auraient suscité le dithyrambe. Au chapitre de la musique électronique, ça semble se passer un peu comme à Montréal ces derniers jours; défilent à Québec Cosmik Connection, The New Deal, Dzihan & Kamien, DJ Ram, etc. On relate aussi que le crooner jazzy John Pizzarelli a fait deux soirs à guichets fermés. Par ailleurs, le doublé Funkafones/Vénus 3 aurait été un préambule ska pop à un Jean Leloup encore adulé à Québec-ville.

«L'affluence se maintient aux spectacles, les parterres sont plein mais le froid et la pluie incitent les gens à rentrer chez eux plutôt que de rester sur les aires du festival», explique Jean Beauchesne.

Nous y voilà donc, frette pas frette, flotte pas flotte, parapluie ou bermudas.

Lundi soir, donc, Bruno Pelletier donnait un vibrant spectacle dans sa ville natale avant de se retirer dans ses terres pour y préparer un nouvel album. Pas de scène en solo avant 2003, a-t-il laissé entendre aux médias locaux. Inutile d'ajouter que sa prestation s'est terminée sur les plaines au temps des cathédraaaaaaaaales. Plutôt que de déclencher une guerre de clochers, passons gentiment à un autre sujet.

Comme par les années passées, le volet musiques du monde au Festival d'été le distingue de tous les grands happenings musicaux sur ce continent. S'y produisent d'excellents artistes venus de partout, mais encore s'y concoctent des rencontres tout simplement extraordinaires, parfois même historiques.

Prenons cette «Procession celtique» de lundi soir, gracieuseté des Bretons Jacques Pellen (guitares) des trois frères Molard (biniou, violon, percussions et tablas), Éric Marchand (chant) ainsi que Gaby Kerdoncuff (cornet et bombarde). À ces porteurs de tradition se sont joints la magnifique chanteuse Kalinka Vulcheva (chef de coeur du fameux Mystère des Voix Bulgares) sans compter le trompettiste-bugliste sarde Paolo Fresu (que l'on a admiré aux côtés de son aîné Enrico Rava au Festival de jazz et auparavant lors d'une performance en trio à Québec) ainsi que le fameux violoniste de jazz Didier Lockwood. Les festivaliers présents au carré d'Youville ont ainsi assisté à l'hybridation exceptionnelle du folklore breton, de la tradition vocale bulgare et du jazz moderne.

Sous la pluie insistante de mardi, les parapluies se sont alignés au pied de la même scène. Il fallait entendre N'Java, un autre de ces joyaux malgaches auxquels le Festival d'été nous a habitués ces dernières années. Trois frères et deux soeurs en phase parfaite avec ces rythmes lents et rapides, habités par ces chants a capella exécutés en cercle autour d'un pied de micro. Exotique? Mets-en.

Assisté d'un percussionniste qui n'avait pour instrument qu'une plantureuse calebasse, le guitariste et chanteur malien Boubacar Traoré nous a joué les origines du blues. Gammes similaires à ce qui se joue depuis un siècle et demi dans le Delta du Mississippi, technique rudimentaire à la guitare, expression pure, aussi simple qu'éloquente.

Un peu plus tard dans l'après-midi, le Super Rail Band était de nouveau sur les... rails. Les férus de musique africaine savent que ce fameux groupe de Bamako accueillit jadis les célébrissimes chanteurs Mory Kanté et Salif Keita. Toujours sous la direction du guitariste Jalimadi Tounkara, la formation sait chauffer les places humides d'Occident, faire danser les gens, faire surgir le soleil d'un plafond aussi bas que celui de mardi.

Quant aux Couched Potatoes, véhicules montréalais d'une vigoureuse approche housy-funky-jazzy-disco, ils ont cassé la baraque dans la nuit de lundi à mardi. Littéralement, je vous dis: le bar D'Auteuil a perdu un pan de mur au lendemain de la performance du groupe! Depuis lors, pompiers, ingénieurs civils et entrepreneurs en bâtiment songent aux vertus de la musique...

PHOTO: Photothèque La Presse
Jean Leloup a mis le feu aux poudres à Québec

(Article original)


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Dernière mise à jour le 17 juillet 2001.
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