Jean Leclerc: encore au bout de ses trips
par Manon Gilbert
dans Le Journal de Québec, 8 octobre 2005
Entrevue

Au fond du café Italia, Jean Leclerc bavarde avec un journaliste. La sortie de son premier roman, Noir destin que le mien, le remet temporairement dans l'oeil du cyclone. Visiblement, il y prend plaisir.

Jean Leclerc a choisi temporairement -- et pour le plaisir -- de cohabiter à la même enseigne que Massoud Al Rachid, narrateur de son premier roman. Encore une fois, il ne fait pas dans la demi-mesure. Auteur, il donne à son protagoniste toute la latitude. "Vous me connaissez, dit-il, je vais au bout de mes trips."

Jean Leloup a brûlé sa guitare pour les mêmes raisons. Il n'avait aucune intention de chanter les mêmes tounes ad vitam oeternam. Ce n'est cependant pas par désoeuvrement qu'il a revêtu le beau complet gris de Masssoud pour faire le tour du monde et en tirer quelques récits anecdotiques. Le tour du monde en complet, titre provisoire du roman quelques jours encore avant le lancement, reposait depuis cinq ans lorsqu'on lui a proposé de le publier.

«J'avais réduit, j'ai rajouté, j'ai trituré le texte. J'ai la vilaine manie de ne jamais être content. Finalement, j'ai eu juste du fun. Je mets le lecteur en garde: ce n'est pas prétentieux!»

Un peu niaiseux

«Massoud, dit-il en riant, est un peu niaiseux. C'est son caractère, je suis un peu comme lui. Il croit que son habit lui assure la perfection. C'est une bonne personne, il s'embourbe dans plein de situations. C'est une extrapolation de moi-même. C'est tout à fait moi dans son envie de voyager, de faire le tour de la planète.»

Mais la comparaison s'arrête dans la forme caricaturale du personnage. L'auteur offre un passeport illimité à son héros qui, élégamment vêtu, se croit tout permis. «Je me suis vu aller dans ses extravagances. C'est un roman. Mais Massoud veut être hot, il veut tout comprendre et atteindre la perfection. Comme beaucoup de nos contemporains, il aspire à être génial.»

Malgré son besoin d'être intègre, Massoud Al Rachid est ballotté d'un extrême à l'autre. Son besoin de se réaliser l'aveugle. Jean Leclerc, pour sa part, sait très bien qu'on n'y arrive jamais et que ce désir est la pire faute de narcissisme qui existe.

«C'est tout à fait idiot, précise-t-il. C'est comme tenter de faire un autoportrait fidèle. C'est ridicule. Je ne veux pas me réaliser. Cette expression passe vraiment à côté de la réalité des choses. Je crois que c'est ce qu'il y de plus réducteur. Ça ressemble vraiment à de la psychologie de cuisine.»

Jeu

Jean Leclerc s'est amusé à écrire une histoire, mais ne se prend pas pour un écrivain. Il use d'autodérision et rit, affirme-t-il franchement, du désir de Massoud d'être un gars intéressant. Jean Leclerc met en scène les contradictions d'un personnage qui se retrouve plus souvent qu'autrement «les culottes à terre».

«C'est un conte pour endormir les enfants. Tout au long de l'écriture, ça a été un exercice intéressant. L'imaginaire m'a amené dans des voies que je ne soupçonnais pas, tellement qu'il a été difficile plus tard de faire le ménage. Les relectures, les corrections, ça n'a pas été facile pour moi. Je n'ai jamais vu avant ce que tout ça allait donner. Mais je ne me suis pas pris au sérieux et j'ai accepté de revoir les choses le plus lucidement possible en éliminant les détails inutiles.»

Jean Leclerc, l'homme aux multiples talents, se lance tous azimuts dans mille et un projets. Il adore se mesurer à plusieurs défis. Écrire est son premier fun. La musique, la peinture, le cinéma n'arrivent pas très loin derrière. Il a horreur de se répéter et a du mal à comprendre qu'on puisse faire une vie sur quelques bons coups. Quand il a choisi de tirer sa révérence à la chanson, on a eu du mal à y croire, n'y voyant que le coup de publicité.

Fortune

Leloup en avait marre des décibels «dans le tapis», des cris d'amour de la foule en délire. Il affirme sans sourciller avoir donné des bons mais beaucoup de mauvais spectacles tout en faisant une fortune.

«Tu sais, dit-il, en donnant le dernier coup de crayon au croquis illustrant la page couverture de Noir destin que le mien qui m'est destiné, je suis très vieux pour mon âge. J'ai tout fait en accéléré. J'étais dur sur mon corps. Quand Dédé Fortin est mort, je me suis rendu compte qu'on a plus besoin d'amis que d'admirateurs.

«Après avoir été la cible d'un paquet d'amour mais aussi d'attaques en m'efforçant toujours de ne pas y croire, j'ai choisi de ne plus apparaître et de retrouver ma liberté.»

Plein de projets
  • Jean Leclerc vient d'achever un scénario racontant le quotidien des Chinois vivant en montagne. Il tente de trouver l'argent nécessaire pour que ce documentaire soit tourné.
  • Il vient aussi de terminer un autre scénario mettant en scène plein de gens prétentieux ayant réussi. «Ils s'arrachent la tête entre eux. Ce monde-là, je ne connaissait que ça», dit-il.
  • Depuis ses 35 ans, Jean Leclerc a arrêté de passer ses soirées dans les bars. À 5h ou 6h le matin, il est déjà installé à son ordinateur. L'imaginaire a repris tous ses droits.
  • Une compilation des meilleures chansons (Leloup les a triées sur le volet) sortira dans quelques semaines. Ce CD, accompagné de vidéoclips, résume toute sa carrière de chanteur.
  • Un nouveau projet qu'il baptise pour l'instant Mandarine 444 se met en branle. Plusieurs chanteuses et chanteurs, «du monde qui chante», se rassembleront autour d'un concept signé Jean Leclerc.


Photo Martin Bouffard: Jean Leloup veut présenter ses excuses auprès de ses fans pour ses spectacles ratés, ses insultes lancées à la volée. «Je ne recommencerai plus!»
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Dernière mise à jour le 16 août 2006.
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