Jean Leloup présente Mille excuses Milady
par Alain Brunet
dans Cyberpresse.ca, 22 avril 2009
Critique

Le Roi Ponpon quitte ses jardins. Leloup émerge de ses steppes, s'apprête à investir la bergerie.

Méchant méchoui ? Méchant méchoui.

Après les errances, les dérapes, les parenthèses interminables, les périples autour du pot, les décollages ratés, les tentatives romanesques, les essais de cinématographie, après la mort symbolique et la résurrection erratique, après les incohérences proverbiales, Jean Leclerc est enfin revenu à ce pourquoi il est sur terre: être Jean Leloup.

Voilà 17 chansons créées comme elle devaient l'être par celui qu'on attend toujours au tournant.

Tout le génie de cet artiste ne peut être capté autrement qu'en format court. En format long, Leloup erre en forêt, s'attarde à tous les bosquets, se perd en conjectures, dévie, ronge sa proie, perd invariablement le fil. Une simple conversation, il trouve le moyen de s'égarer.

Or, lorsque c'est long comme une chanson, la poésie de ce cerveau foisonnant part d'un point J et se rend au point L. La lumière jaillit de cette pensée hirsute, anxiogène, dérisoire, spasmodique, quasi autiste. Les digressions ne font alors qu'en renforcer le propos, tout se met en place. On trippe fort.

Jean Leclerc a beau avoir tenté d'assassiner, incinérer, couper en rondelles, inhumer le personnage qu'il fut jusqu'à ce qu'il en eut ras le pompon de son statut... Le destin a rattrapé Jean Leloup.

Chansons vachement ramassées, mieux écrites avec cette simplicité apparente qui caractérise son auteur si compliqué, construite sur des charpentes qu'on connaît du charpentier, mais avec une plume plus acérée, plus mature que jamais, qui ne néglige pas le delirium lorsque nécessaire.

Plein de chansons qui fessent et qui restent tout simplement scotchées dans le cortex. Quelques parenthèses inutiles mais... Cette fois, Leclerc maîtrise Leloup.

Mille excuses Milady n'est pas l'album visionnaire que fut Le Dôme à l'époque des accointances avec James Di Salvio. Or, de prime abord, Mille excuses Milady me semble supérieur aux Fourmis, à la Vallée des réputations ainsi qu'à Mexico. Plus concis malgré la pléthore de propositions.

Voilà peut-être l'album qui se rapproche le plus de l'Amour est sans pitié, avec en prime une existence derrière la cravate. Musicalement, en tout cas, Leloup en reste à l'essence du son qui lui est propre.

Les guitares dominent. Ses excellents riffs dominent. Une voix de belle fille au fond du garage. Minces couches de son au-dessus du beat. Choix harmoniques intacts, récurrence de structures simples et costaudes (rock, folk, funk, etc.), toujours au service du texte, ce qui n'est pas source d'agacement. Seul irritant au programme: le mix me semble menu.

On retiendra plusieurs titres de cet album, je crois. Il n'y a pas grand-chose d'ampoulé dans ce conte de taularde magnifique, dans cette peur du bonheur, ce mépris lucide des petits-bourgeois figés dans l'empois, ces hauts-le-coeur du genre humain, ce suicide du singe, cette surpopulation de caves, ces embrouillaminis homme-femme, dans tous ces vertiges, dans ces désagrégations de l'existence, tous ces sourires hallucinés.

Une chose est sûre, Leloup n'avait pas tout dit. La sortie officielle est prévue le 28. Pas encore fini de digérer mais. Pas pu me retenir.
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Dernière mise à jour le 30 mai 2009.
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