Le Castel: Entrevue avec Jean-Claude Beaudoin
Merci beaucoup à Gate
pour avoir réalisé cette entrevue en 1999!
Gate: Jean-Claude Beaudoin est un des ingénieurs ayant
travaillé sur l'album "Le Dôme" de Leloup. Malheureusement, Audiogram a fait
une erreur dans les crédits en lui donnant le nom de Bergeron plutôt que
Beaudoin à titre d'ingénieur du son et au mixage. En fait, on a également oublié
de nommer Éric Bergeron (à la basse) et Bill Beaudoin (son frère, à la
guitare). Jean-Claude a bien voulu répondre à dix petites questions sur ce
métier fascinant ainsi que sur l'enregistrement du magnifique "Le Dôme".
Gate: À quels albums as-tu participé?
Jean-Claude Beaudoin (JCB): De Céline Dion à KC L.M.N.O.P
en passant par Sass Jordan, la liste est longue.
Je fais ce métier depuis 1976 et j'ai commencé à énumérer tout ça sur mon
site web [ http://pages.infinit.net/jcbeau/ ].
Depuis 5 ans je fais de la direction de tournée, de la sonorisation de
spectacle et beaucoup de musique de films et de séries télé. J'aime la
diversité.
Gate: Comment es-tu devenu ingénieur de son?
JCB: C'est en écoutant "Killer Queen" que j'ai eu la
piqûre pour ce métier. Il n'y avait pas d'informations ou de cours disponibles
a l'époque, alors j'ai investi $5000 et parti un studio démo 4 pistes. J'ai
appris sur le tas, je suis autodidacte.
Gate: As-tu une formation de musicien?
JCB: Non. Y'en a qui "jouent de la guitare", moi je joue de
la console. Le seul avantage que j'ai, c'est que j'entends la musique comme la
majorité des gens, et ça me permet de mixer une chanson en fonction de
l'émotion, de manière plus intuitive. De nos jours l'évolution technologique des moyens
d'enregistrement et leur intégration aux programmes de composition comme
"Digital Performer" et "Cubase VST" ont donné le contrôle aux musiciens et par
le fait même, c'est maintenant indispensable d'avoir une formation de base en
musique et en MIDI pour pouvoir exercer ce métier.
Gate: T'arrive-t-il de partir en tournée avec un(e) artiste?
JCB: J'ai fait pas loin de 200 spectacles comme
sonorisateur et directeur de tournée avec Judi Richards (la femme d'Yvon
Deschamps), parce que les conditions de travail étaient excellentes. C'est très
important d'avoir de bons liens d'amitié quand tu fais 4000 km en deux semaines
dans une van.
Gate: Comment en es-tu venu a travailler avec Leloup?
JCB: Jean est venu au Studio St-Vincent où je travaillais
comme ingénieur sur les projets de Pierre Bazinet, (producteur et propriétaire
du studio) et le contact s'est fait automatiquement. J'avais déjà travaillé
avec Gilles Brisebois (basse) et François Lalonde (batterie) et aussi pour
Audiogram (le label de Jean) sur l'album "Double vie" de Richard Séguin.
Gate: Parle nous de l'enregistrement du Dôme?
JCB: J'ai enregistré toutes les pistes de base de l'album
au studio St-Vincent et par la suite des overdubs au studio ARP à Ste-Anne des
Lacs. Parce que Jean voulait jouer de la guitare sur son album et qu'il ne
jouait jamais deux fois la même chose et que nous ne finissions jamais rien, je
lui ai demandé de nous laisser seuls (moi et François Lalonde) pour finir une
des pièces (Le Monde Est à Pleurer).
On a refait la chanson au complet en deux jours, mix compris. J'ai fait
venir Éric Bergeron pour la basse et mon frère Bill pour des overdubs de
guitare.
Nous avons samplé les meilleurs riffs de guitare que Jean avait joués et
fait une boucle (loop) de chacun de ces samples. J'avais 8 pistes de guitare
différentes qui jouaient tout le temps, et au mix je choisissais celles que je
voulais, dépendant de la section de la chanson. Tout ça pour dire que c'est moi
et François qui avons réalisé cette pièce.
Par la suite, nous avons pris une semaine de vacances et à mon retour j'ai
appris que Jean avais pris toutes les bandes et changé de studio et d'ingénieur.
C'est donc la seule pièce que j'ai faite au complet sur cet album. On
m'a demandé quelques mois plus tard de faire le mix pour l'Europe.
Fait à souligner, le mix utilisé pour le clip "Le Monde Est
à Pleurer" est la version que j'ai remixée pour la France et que pour ce mix le
mot "Allah" a été supprimé et remplacé par "Zéda" (nom fictif) de façon à ne pas
irriter les intégristes islamistes qui ne voient pas d'un très bon oeil
l'utilisation du nom d'Allah dans une chanson populaire. Il n'a pas voulu
prendre le risque de se faire zigouiller pour raison de profanation.
Gate: As-tu travaillé sur des pièces (à la base) qui ne
se sont pas retrouvées sur l'album ?
JCB: Non, mais certaines pièces ont été ajoutées (Johnny go et I lost my baby).
Gate: D'après moi, la qualité de l'album surpasse tout ce
qui s'est fait durant cette décennie au Québec.
JCB: Merci beaucoup, parce que l'ambiance et la direction
de cet album étaient déjà très bien amorcées quand on m'a écarté du projet. Je
n'ai pas de rancune, j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec lui et nous
sommes restés en très bons termes. On m'avait demandé pour l'enregistrement de
l'album "Les Fourmis" mais il y avait conflit d'horaires et je n'y
ai malheureusement pas participé.
Gate: D'après toi, pourquoi Leloup ne fait-il pas
carrière en France (à part 1990, aucune de ses chansons ne semble fonctionner
là-bas)?
JCB: Il faut vivre là-bas pour pouvoir percer le marché,
c'est très long et je ne crois pas qu'il a la patience voulue pour supporter les
Français. Comme dit Anthony Kavanagh, les français n'ont pas le sens de l'absurde
et je crois que c'est un élément essentiel pour pouvoir saisir le personnage
qu'est Jean Leloup. Il est génial mais pas facile à diriger.
Gate: Finalement, travailles-tu sur un album
présentement, et quels sont tes projets futurs?
JCB: J'ai fait beaucoup de choses en fonction de
l'Internet dernièrement. Avec l'adoption de nouveaux outils comme les MP3 et le
streaming vidéo, la conception et le marketing de l'industrie de la musique
sont en pleine mutation et ça me pousse à explorer ce nouvel univers.
L'interaction directe entre les artistes et leurs fans par ce médium va changer
totalement la mise en marché du disque et la promotion de spectacle, et c'est
pour le mieux.
Dernière mise à jour le 13 septembre 2006. Conception: SD.
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1999, Gate / Ainsi va la vie / Le Castel.